Formation
L'enfance de Gus Van Sant est voyageuse : la famille parcourt les routes du Kentucky pour suivre un père fabriquant de vêtements et représentant de commerce. Ce premier contact avec le monde sur le mode du vagabondage marquera son cinéma, sillonné de routes et de traversées dans les paysages des États-Unis. Tout jeune, il peint et réalise des courts métrages artisanaux avec une caméra Super 8. En 1970, diplômé de la Rhode Island School of Design, Gus Van Sant devient assistant de production à Los Angeles. Après un séjour de deux ans à New York dans une agence de publicité, il s'installe en 1979 à Portland, dans l'Oregon, sa ville d'élection où il situera un grand nombre de ses longs métrages. Dans cette ville fortement connotée contre-culture, il se rapproche de plus en plus des marginaux et des minorités.
Carrière au cinéma
Fils spirituel de la Beat Generation, Gus Van Sant est l'auteur d'une oeuvre protéiforme, anticonformiste et qui aime à brouiller les pistes.
L'oeuvre de Gus Van Sant présente un caractère cyclique, constituée d'ensembles homogènes reliés par une forte unité stylistique. Ces cycles témoignent des postures différentes adoptées par le cinéaste dans des " allers-retours " entre l'industrie hollywoodienne et un " cinéma des marges ", marqué par un anticonformisme esthétique.
La " première époque " de Gus Van Sant est composée de quatre longs métrages qui ancrent le réalisateur au sein du cinéma indépendant américain. Ils présentent une proximité de thèmes (la jeunesse et la mort, la quête des origines), de dispositifs narratifs, une écriture visuelle très découpée, et une affirmation de l'identité homosexuelle. Mala noche (1985) décrit la relation impossible entre un jeune immigrant mexicain et un écrivain beatnik, Walt. Vient ensuite l'adaptation d'un roman " post-beatnik ", Drugstore Cowboy, en 1989. Le film est un road movie retraçant les pérégrinations d'une bande de jeunes drogués. Dans une mise en scène qui reflète l'instabilité de ses personnages, Gus Van Sant y dépeint la jeunesse non pas comme une énergie dépositaire d'avenir, mais comme une errance assortie d'un sentiment de perte. Contre toute attente, cette histoire de junkies remporte un grand succès public et permet à son auteur de revenir sur un projet inabouti, auquel il agrège une adaptation personnelle du Henry IV de Shakespeare : My Own Private Idaho (1991) est le récit de la passion exclusive et malheureuse d'un bourgeois en rupture de ban (Keanu Reeves) pour un orphelin narcoleptique (River Phoenix) dans les milieux de la prostitution à Portland. Le réalisateur mélange des acteurs reconnus et de jeunes prostitués qui racontent leurs expériences face caméra, dans des scènes proches du cinéma vérité, en rupture avec l'extrême stylisation du film. Even Cowgirls Get the Blues (1994), avec Uma Thurman, clôt la première phase de l'oeuvre de Gus Van Sant.
Tourné en 1995 avec Nicole Kidman en vedette, Prête à tout, une commande de la Columbia, ouvre un nouveau cycle. Gus Van Sant se rapproche de l'industrie hollywoodienne et enchaîne une série de quatre films dont la distribution et la facture classique sont en rupture avec ses opus précédents. Destinées à un large public, dotées d'importants budgets, ces oeuvres sont commandées et produites par les grands studios (Miramax, Columbia, Universal). Will Hunting (1997) et À la rencontre de Forrester (2000) sont deux films construits autour de la recherche d'une figure parentale de substitution, dans lesquels un jeune homme génial et pauvre, sans père, rencontre un homme âgé qui le révèle à lui-même. À ce cycle " hollywoodien " appartient aussi un film unique dans l'histoire du cinéma. Fasciné depuis longtemps par le film d'Hitchcock Psycho (1959), Gus Van Sant propose à Universal d'en réaliser un remake en couleurs. Son Psycho, tourné en 1998, est un remake au sens le plus littéral du mot, reproduisant la quasi-totalité du découpage hitchcockien. Mais Gus Van Sant détourne le concept de son acception hollywoodienne (la " mise au goût du jour " d'une oeuvre à des fins commerciales) pour placer son travail sur le terrain de l'art contemporain, conviant le spectateur à une expérience inédite. Le film sera un échec commercial.
La " troisième période " de Gus Van Sant est celle de la " Tétralogie de la mort ". Dégagé à la fois des conventions d'Hollywood et de l'influence du cinéma indépendant, le cinéaste entreprend une série d'expériences formelles radicales. Essais poétiques autour de l'adolescence, ces quatre films se distinguent par une structure narrative complexe (en forme de mosaïque ou de collage), une épure de la mise en scène allant de pair avec un effacement du récit, et une porosité avec des formes artistiques extérieures au cinéma. Dans Elephant (2002), inspiré de la fusillade de Columbine (Colorado) en 1999, Gus Van Sant filme, dans de longs travellings, les déambulations complexes d'adolescents dans un lycée-labyrinthe, avant le déclenchement de la tuerie. La caméra est très proche des acteurs, souvent filmés de dos. Certaines scènes sont vues plusieurs fois, sous des angles différents. Les sons d'ambiance combinés à des morceaux de musique concrète accentuent le caractère irréel de cet univers où le spectateur est dépourvu de repère spatial et temporel. Le film remporte la Palme d'or à Cannes en 2003. La même atmosphère énigmatique domine Gerry (2002) : deux hommes se perdent dans le désert, mais un seul en revient, après une longue errance. Last Days (2004) retrace les derniers jours de Blake, rock star introvertie, librement inspirée de la figure de Kurt Cobain, le chanteur du groupe Nirvana, qui s'est suicidé en 1994. Le film est une immersion dans le psychisme du personnage. Paranoid Park (2006) parachève ce cycle, avec sa chronologie déconstruite fondée sur la réminiscence, sa sophistication sonore, ses plans-leitmotivs qui composent une lancinante mosaïque.
Harvey Milk, biopic sur le premier homosexuel revendiqué élu à une fonction officielle aux États-Unis, assassiné en 1978, marque en 2008 le retour de Gus Van Sant vers une facture plus classique, et témoigne d'un souci nouveau de s'ancrer dans une réalité historique et d'exprimer des préoccupations politiques. Dans la même veine, Promised Land (2012) est un film engagé autour de la question de l'exploitation du gaz de schiste et de la crise financière aux États-Unis, dans lequel le cinéaste s'attache au cheminement moral du personnage joué par Matt Damon. En 2014, Gus Van Sant tourne Nos souvenirs, mélodrame sentimental qui met en scène un homme décidé à mourir qui va devoir aider un autre homme à survivre.
Autres activités
Gus Van Sant a multiplié les expériences artistiques. Sa première passion a été pour la peinture, mais il est aussi l'auteur d'un travail photographique important (dont une collection de photos intitulée 108 portraits) et d'un roman, Pink (paru en France en 2001), sur les coulisses gay du show business. Musicien de longue date, Gus Van Sant enregistre en 1983 un album de musique, 18 Songs About Golf. Il a également réalisé des vidéoclips pour de grands artistes comme David Bowie, Elton John, les Red Hot Chili Peppers et le groupe Hanson.
Prix
- Mention Spéciale, 2013 au Berlinale. Internationale Filmfestspiele (Berlin) pour le film : Promised land
- Meilleur réalisateur, 2008 au Boston Society of Film Critics Awards pour le film : Milk
- Meilleur réalisateur, 2008 au San Francisco Film Critics Circle pour le film : Milk
- Meilleur film étranger, 2004 au Syndicat Français de la Critique de Cinéma (Paris) pour le film : Elephant
- Meilleur réalisateur, 2003 au Festival International du Film (Cannes)(Sélection officielle) pour le film : Elephant
- Palme d'or, 2003 au Festival International du Film (Cannes) pour le film : Elephant
- Palme d'or, 2003 au Festival International du Film (Cannes)(Sélection officielle) pour le film : Elephant
- Mention Spéciale, 2002 au Torino Film Festival pour le film : Gerry
- Plus mauvais Réalisateur, 1999 au Razzies - The Golden Raspberry Award Foundation pour le film : Psycho
- Prix de la critique, 1991 au Festival du Cinéma Américain (Deauville) pour le film : My Own Private Idaho
- Meilleur scénario, 1990 au NSFC Award - National Society of Film Critics Awards pour le film : Drugstore cowboy
- Meilleur réalisateur, 1990 au NSFC Award - National Society of Film Critics Awards pour le film : Drugstore cowboy
- Meilleur scénario, 1989 au New York Film Critics Circle Awards pour le film : Drugstore Cowboy
- Meilleur scénario, 1989 au Los Angeles Film Critics Association Awards pour le film : Drugstore Cowboy
- Meilleur scénario, 1989 au Film Independent Spirit Awards pour le film : Drugstore cowboy
- Meilleur scénario, 1989 au New York Film Critics Circle Awards pour le film : Drugstore cowboy
- Meilleur scénario, 1989 au Los Angeles Film Critics Association Awards pour le film : Drugstore cowboy