Réalisateur, Directeur de la photographie, Monteur, Conseiller technique, Dialoguiste, Ingénieur du son, Scénariste, Coopérateur technique, Auteur de l'oeuvre originale, Interprète, Auteur du commentaire, Cadreur, Producteur
Chris Marker travaille très jeune comme critique et journaliste. Il fait ses premières armes dans la revue Esprit, qui décrypte les évolutions sociales, culturelles et politiques en France et dans le monde. En y publiant de nombreux articles entre 1946 à 1955, il apparaît déjà comme un témoin engagé dans son époque. Parallèlement, il est très actif au sein de Peuple et Culture, une organisation dédiée à l'éducation populaire, où il rencontre entre autres André Bazin et se lie avec Alain Resnais. Avec ce dernier, il réalise en 1953 Les Statues meurent aussi, un court métrage sur " l'art nègre ". Ce film, réquisitoire contre le colonialisme, sera censuré en France pendant onze ans. Avec son premier long métrage, Olympia 52 sur les Jeux Olympiques d'Helsinki (1952), que l'on peut qualifier de " documentaire subjectif ", Marker adopte une perspective originale en donnant au texte la même importance qu'aux images.
Écrivain, photographe, cinéaste et artiste multimédia, Chris Marker est l'auteur d'une oeuvre protéiforme et novatrice, centrée sur les rapports entre image et mémoire, et qui s'interroge sur la substance profonde des civilisations.
Spectateur engagé dans les bouleversements politiques des XXe et XXIe siècles, " ciné-voyageur ", Chris Marker inaugure avec Dimanche à Pékin (1956), tourné en Chine en pleine mutation communiste, une série de films dans lesquels il propose sa vision personnelle des révolutions socialistes en cours dans le monde. Ce court métrage (un genre qui sera son mode d'expression privilégié) réinvente la forme documentaire en introduisant un rapport nouveau entre image et commentaire. Après Lettre de Sibérie (1957), puis Description d'un combat (1960), un regard sur Israël, il tourne Cuba Si ! (1961) sur la révolution cubaine. Chris Marker circule librement entre films et livres, comme en témoigne le recueil de photographies et de textes Coréennes, publié en 1959 après un voyage en Corée du Nord, qu'il décrit comme " un court-métrage fait avec des images fixes ". Avec le goût de l'expérimentation qui caractérise toute son oeuvre, il réalise La Jetée (1962), son film le plus célèbre, dont la problématique va hanter son cinéma. Constitué d'un montage d'images fixes, La Jetée est une fable fascinante sur le temps, la mémoire et la subjectivité. Le film bouleverse toutes les conventions de la narration cinématographique et inspirera Terry Gilliam pour son film L'Armée des douze singes (1995). Toujours en 1962, pour Le Joli mai, Marker promène sa caméra en liberté dans Paris, interviewant les passants pour un portrait collectif dans l'esprit du cinéma-vérité promu à la même époque par Jean Rouch et Edgar Morin.
L'année 1967, avec À bientôt, j'espère, un documentaire sur la grève de l'usine Rhodia à Besançon, ouvre pour Marker une période féconde de cinéma militant, indissociable de son engagement politique à gauche. Dans l'effervescence de ces années révolutionnaires, le cinéaste engage une réflexion sur le rôle idéologique du cinéma dans le système capitaliste. Elle se concrétise par la création et l'animation de SLON (Service de Lancement des Oeuvres Nouvelles), une " coopérative cinématographique " qui veut expérimenter de nouveaux moyens de production et de distribution et libérer le cinéma de la manipulation du pouvoir politique. SLON produit entre 1969 et 1973 une série de documentaires de " contre-information ", sous le titre générique On vous parle de..., présentant l'actualité politique au Brésil, au Chili, ou en Tchécoslovaquie du point de vue des mouvements de contestation, et non des médias officiels. Le point culminant des années militantes de Marker est en 1977 Le Fond de l'air est rouge. Conçu à l'origine comme un collage fait à partir des fragments de matériel filmique de SLON, le film dresse un bilan lucide mais jamais amer des mouvements révolutionnaires du XXe siècle.
Au début des années 1980 s'ouvre avec Sans soleil (1982) une nouvelle période qui voit passer au premier plan la réflexion de Chris Marker sur l'imbrication de la mémoire individuelle et de l'Histoire. Ce film-essai se présente sous la forme d'une série de lettres cinématographiques d'un cameraman fictif. Il relie deux espaces géographiques, le Japon et les anciennes colonies portugaises du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau, que Marker définit comme " les deux pôles extrêmes de la survie ". Avec subtilité, Marker parle du temps, de la mémoire, de la fragilité humaine et de la façon qu'ont ces sociétés de vivre et d'exister au-delà de ce qui peut leur coûter la vie. Le cinéaste réalise à partir de 1985 une série de portraits filmés, pour certains des hommages posthumes ou tardifs à des amis ou des artistes admirés. Il se livre à une tentative de déchiffrage du passé où il inscrit ces mémoires (les siennes et celles des autres) dans le cadre d'une histoire qui les intègre et les dépasse. Il s'adresse ainsi de façon mélancolique à des cinéastes disparus comme Akira Kurosawa (A.K en 1984), Alexandre Medvedkine (Le Tombeau d'Alexandre en 1992), ou encore Andreï Tarkovski (Une journée d'Andrei Arsenevitch en 1999).
Dans les années 1990-2000, la politique reste toujours au-devant de la scène, avec notamment les guerres des Balkans dont Chris Marker devient en trois films le témoin actif. Chats perchés (2004) en est un témoignage. Il trouve parallèlement dans les nouvelles technologies numériques des possibilités extraordinaires pour le développement de ses problématiques esthétiques. Marker conçoit en 1990 pour le Centre Georges Pompidou à Paris une installation multimédia intitulée Zapping Zone. Proposals for an Imaginary Television. En 1996, Level five utilise les ressources de l'ordinateur pour explorer le rapport entre réel et virtuel. Marker trouve dans la technologie du disque optique numérique de nouveaux moyens de cartographier " l'architecture complexe de sa propre mémoire ". Il conçoit en 1998 le CD-ROM intitulé Immemory, dont la structure multi-dimensionnelle lui permet de dépasser la linéarité temporelle. Poursuivant son exploration des nouvelles ressources médiatiques de son époque, il crée sur le Web en 2008 un monde virtuel, L'Ouvroir sur la plate-forme Second Life, comprenant entre autre un musée virtuel et une salle de projection. Sous le pseudonyme de Kosinki, il publie des vidéos sur Youtube, comme Leila Attacks (2006), mettant en scène un chat, l'animal favori de son bestiaire. Chris Maker s'éteint le jour de ses 91 ans, laissant une oeuvre foisonnante et inclassable.
Chris Marker a publié un roman, Le Coeur net en 1949, des poèmes, et un essai sur Jean Giraudoux intitulé Giraudoux par lui-même en 1952.
Aux Éditions du Seuil, il crée en 1954, puis dirige, une collection de guides touristiques novateurs, Petite Planète, dans lesquels les images ne sont plus reléguées au seul statut d'illustration du texte.
Il tourne pour la télévision une série de 13 épisodes (diffusés sur La Sept en 1989) où il explore les usages contemporains de la pensée grecque antique dans le monde moderne, L'Héritage de la chouette.
Marker artiste multimédia et photographe, est actif à travers de nombreuses expositions internationales dont Staring back (2007) et Passengers (2011).