Formation
Né dans un village proche de Ouahigouya, l'une des cinq grandes villes du Burkina Faso, dans une région rurale au climat sahélien qui sera le décor de la plupart de ses films, Idrissa Ouedraogo suit des études d'anglais à l'université de Ouagadougou, puis s'inscrit en 1977 à l'Institut africain d'éducation cinématographique (INAFEC). Diplômé, il poursuit son apprentissage à l'étranger en fréquentant deux grandes écoles de cinéma, d'abord le VGIK (Institut supérieur cinématographique d'État) de Moscou, puis l'IDHEC (l'Institut des hautes études cinématographiques) à Paris. À la Sorbonne, il obtient un DEA de cinéma. Il tourne ensuite plusieurs courts métrages qu'il qualifie de "documentaires fonctionnalisés", parmi lesquels Poko (1981), Les Funérailles du Larle Naba (1984), ou Ouagadougou, Ouaga deux roues (1985).
Carrière au cinéma
Idrissa Ouedraogo est l'un des grands réalisateurs du cinéma d'Afrique sub-saharienne, dont l'oeuvre, marquée par les conséquences de la colonisation française, porte un regard sociologique et politique sur son pays, à travers des histoires simples et fortes.
En 1986, Idrissa Ouedraogo réalise son premier long métrage, Le Choix. Installant sa caméra dans le décor sahélien de sa région d'origine, le réalisateur suit la quête d'une famille de paysans quittant ses terres arides dans l'espoir d'une vie meilleure. Son deuxième long métrage, Yaaba, lui apporte en 1989 une consécration internationale en remportant le Prix de la Critique au Festival de Cannes et le Prix du public au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), l'un des plus grands festivals de cinéma africain. Le film prend les allures d'un conte pour parler de l'enfance, de la construction de l'adulte, de la vieillesse, de l'intolérance et de l'amour, à travers la relation nouée entre deux enfants et une vieille femme considérée par certains comme une sorcière. Avec des mises en scènes posées, des cadrages larges qui inscrivent pleinement ses personnages dans leur milieu, Idrissa Ouedraogo filme avec humanité aussi bien des individus que des scènes collectives saisis dans leur authenticité. Tilaï (1990) met en scène à la manière d'une tragédie grecque une histoire de transgression de la coutume au nom de la liberté et du bonheur individuel. Pour Karim et Sala, tourné en 1991, le cinéaste reprend le couple de Yaaba, un peu plus âgé, pour aborder la réalité contemporaine du Burkina Faso et travailler avec subtilité ses thèmes de prédilection : l'opposition entre ville et campagne, riches et pauvres, tradition et modernité. Samba Traoré (1992), récit d'une ascension et d'une déchéance, combine deux genres cinématographiques, le drame et le polar. Le rôle-titre est incarné avec force et nervosité par l'acteur français Bakary Sangaré.
En 1994, Idrissa Ouedraogo tourne pour la première fois en France, à Lyon. Le film suit le parcours d'un jeune africain, Moctar, joué par Saïd Diarra, tout juste arrivé en France pour rejoindre son père émigré qui peut enfin l'accueillir avec sa mère. Arraché à son pays, à son village, à ses amis, le jeune garçon peine à s'adapter et croise sans cesse le chemin d'une hyène imaginaire, animal qui annonce la mort dans sa mythologie natale. Grâce à Paulo, sorte de marabout blanc, joué par Richard Bohringer, il apprendra à maîtriser ses angoisses.
Idrissa Ouedraogo participe en 2002 au film collectif September 11 dont l'ambition est de réunir des réalisateurs du monde entier pour appréhender leur vision des attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington. L'objectif visé était de proposer une vision alternative multiple face à la vision unique de cet évènement donnée par les médias. Idrissa Ouedraogo y représente la vision "africaine". Il met en scène des enfants burkinabés qui ne perçoivent le 11 septembre que comme une occasion de sortir de leur pauvreté en raflant les millions de dollars promis pour la capture d'Oussama ben Laden.
Ouedraogo met ensuite en chantier une oeuvre dont le difficile montage financier différera la réalisation pendant une dizaine d'années. La Colère des dieux (2003) sera finalement un film moins ambitieux que le projet d'origine. Le réalisateur s'y livre à une réflexion sur son sujet de prédilection, la pénétration coloniale, terme employé pour désigner la colonisation de l'Afrique noire par les puissances européennes. Avec un traitement plus intimiste, mais qui emprunte une nouvelle fois à la tragédie classique (comme dans Tilaï), il déroule l'épopée d'un héros de l'histoire burkinabè, Boukari " Ouobgho " Koutou qui s'opposa à la colonisation française jusqu'en 1898. Le véritable sujet du film n'est pas tant la résistance des Africains que les causes de leur échec face à l'envahisseur. Occupés à des luttes suicidaires pour le pouvoir, ils déclenchent la colère des dieux. Les phénomènes supranaturels émaillent ainsi le film où la légende se tisse sur fond de rapports de force et d'amour, dans une culture où les dieux sont supposés déterminer le devenir des hommes. Après La Colère des dieux , Idrissa Ouedraogo travaille presque exclusivement pour la télévision. Ses films ont été primés dans de nombreux festivals.
Autres activités
En 1991, Idrissa Ouedraogo met en scène à la Comédie Française La Tragédie du roi Christophe d'Aimé Césaire.
Il produit et réalise au Burkina Faso la série télévisée Kadie Jolie , qui connaît un très grand succès public. Il crée sa propre société de production, les Films de la Plaine, au début des années 1990