Formation
Christine Laurent étudie la peinture et la sculpture à l'Académie Julian à Paris, puis suit les cours de l'École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ancienne École de la rue Blanche). Entre 1969 et 1974, elle réalise de nombreux costumes et décors de théâtre et d'opéra : pour La Mouette de Tchekhov mise en scène par Antoine Vitez en 1970, ou La Noce chez les petits bourgeois de Brecht mise en scène par Jean-Pierre Vincent (1973). En 1974, chargée des costumes pour le ballet Proust ou les Intermittences du coeur (chorégraphie de Roland Petit), Christine Laurent côtoie René Allio, responsable des décors. Peintre à ses débuts, le futur cinéaste est devenu costumier et décorateur de théâtre. Ils réalisent ensemble les décors de L'occasion fait le voleur, ou l'échange de valises, opéra de Rossini mis en scène par Jean-Louis Thamin. Leurs chemins vont désormais se rejoindre, mais cette fois-ci au cinéma.
Carrière au cinéma
Réalisatrice, actrice, décoratrice et costumière, Christine Laurent a été la co-scénariste attitrée de Jacques Rivette.
Christine Laurent se tourne vers le cinéma dans le sillage de René Allio, qui accède à la notoriété en 1965 grâce au succès public de son premier long-métrage, La Vieille dame indigne . Actrice à l'occasion, elle sera costumière ou décoratrice sur plusieurs des films du cinéaste, depuis Les Camisards en 1970 jusqu'à Retour à Marseille en 1979. Entretemps, elle passe elle-même à la réalisation, en tournant en 1976 A. Constant, dont elle écrit le scénario, comme elle le fera plus tard sur ses autres productions. Ce récit très autobiographique, longtemps mûri, a pour point de départ une photographie, celle d'Alice Constant, une jeune bonne de sa famille qui s'est suicidée. Deux soeurs qui l'ont connue dans leur enfance vont reconstituer son itinéraire. Elles se découvriront victimes de la même aliénation, en tant que femmes dans une société dominée par des hommes. Ce film à très petit budget, tourné en 16 mm, Christine Laurent en a dessiné tous les plans, prévoyant les cadrages, les plans fixes et les mouvements de caméra. Multipliant l'ambiguïté initiale de son scénario, elle choisit d'incarner elle-même Alice Constant, cependant que sa soeur Agnès joue Camille, la soeur aînée. En 1984, Christine Laurent réalise son deuxième film, Vertiges, dont elle dessine les costumes. Elle s'attache ici à la vie d'une troupe lyrique avant l'unique représentation des Noces de Figaro de Mozart. C'est un film sur l'amour du théâtre et de l'opéra, un fascinant va-et-vient entre réel et imaginaire, qui fait la part belle aux femmes, comme transfigurées par l'acte de chanter.
À partir du milieu des années 1980, Christine Laurent alterne ses propres réalisations avec une collaboration quasiment exclusive avec Jacques Rivette. Elle co-écrit avec le réalisateur les scénarios de neuf films, de La Bande des quatre (1987) jusqu'à Trente-six vues du pic Saint-Loup (2008). Une profonde complicité les unit. Dans la façon de travailler le scénario d'abord : les scénaristes élaborent grossièrement la dramaturgie, les personnages, et l'intrigue. La majeure partie des scènes sont écrites à quelques jours de leur tournage, dans le feu de l'action. Elles s'affinent en s'inspirant du jeu des comédiens et de l'espace créé par les décors, dans une sorte de bouillonnement créatif relayé par toute l'équipe du film. Dans l'intérêt pour filmer les corps des comédiens ensuite : La Bande des quatre (1987), La Belle noiseuse (1990), Jeanne la Pucelle (1992), ou encore Haut, bas, fragile (1994) ont pour point commun de parler des corps, dans leur droiture ou leur sensualité. Pour Jeanne la Pucelle, une femme dans un monde d'hommes, Catherine Laurent dessine également les costumes, avec un important travail de recherche et de documentation. Pour incarner Jeanne, Jacques Rivette choisit Sandrine Bonnaire, notamment pour son port altier. Devant sa caméra, la droiture du personnage est autant physique que morale. Si la comédienne est encore en robe au début du film, valorisant sa féminité, elle se rigidifie ensuite dans une armure de soldat réalisée sur mesure. Dans la seconde partie du film (intitulée Les Prisons, Christine Laurent a créé des costumes civils, portés par des paysans et des gens de la cour. Selon elle, l'époque dans laquelle se déroule l'histoire (fin du XIVe-début du XVe siècle) est magnifique pour les costumes, car le dessin du corps est très simple. Avec son équipe, elle réalise les pourpoints du film à la façon de l'époque, en utilisant une teinture végétale.
Parallèlement à ses collaborations avec Rivette, Christine Laurent poursuit son activité de réalisatrice. Eden miseria (1989) fait le portrait de l'écrivaine Isabelle Eberhardt, d'après son livre Les Journaliers. Cette femme libre et vagabonde, installée en 1897 en Algérie, a écrit des récits de voyage dans le Sahara en décrivant la réalité quotidienne de la société algérienne au temps de la colonisation française. Transatlantique (1996), co-écrit avec André Téchiné, s'attache à l'histoire d'une jeune chanteuse française (joué par Laurence Côte) partie à la recherche d'un boxeur noir qu'elle a aimé à Montevideo, en Uruguay. Ce pays captive la réalisatrice depuis qu'elle y a accompagné une tournée de la Comédie-Française pour laquelle elle avait réalisé décors et costumes. Le film dépeint, sur fond de passé politique récent dominé par la dictature militaire, une ville secrète, à la fois réelle et fantasmatique, dans laquelle errent des personnages en rupture de sentiments et de destins. En 2005, Call me Agostino, est construit comme une partie d'échecs autour d'un chassé-croisé de personnages, évoluant dans un cadre qui multiplie les tableaux sans mouvements de caméra, comme au théâtre. Christine Laurent accompagne toujours Jacques Rivette comme scénariste et dialoguiste, souvent avec la complicité de Pascal Bonitzer, par ailleurs écrivain et réalisateur : pour Va savoir en 2000 et Histoire de Marie et Julien en 2002. En 2006, Jacques Rivette réalise Ne touchez pas la hache d'après le roman d'Honoré de Balzac La Duchesse de Langeais, publié en 1834. Christine Laurent et Pascal Bonitzer en sont les adaptateurs. Ils ont cherché à transposer l'écriture de Balzac en termes cinématographiques. Ce film qui traite de l'amour douloureux et de la passion qui aliène, porté par Jeanne Balibar et Guillaume Depardieu, est fidèle à l'esprit et à la lettre du roman.
En 2011, Christine Laurent réalise Demain ?, une oeuvre élégante et énigmatique qui évoque la vie tragique d'une poétesse uruguayenne, Delmira Agustini.
Autres activités
Parallèlement à sa carrière au cinéma, Christine Laurent est aussi chef costumière et décoratrice de théâtre et d'opéra à la Comédie-Française, au Théâtre National de Strasbourg, au Festival d'Avignon, à l'English National Opera ou à l'Opéra de Cologne, entre autres. Elle a travaillé notamment sur des pièces d'Henry Becque dans des mises en scène d'Olivier Perrier et de Paul Vecchiali, des spectacles de danse comme Hollywood Paradise de Jean Poiret, des ballets de Roland Petit. Au théâtre, Christine Laurent est aussi metteuse en scène. Entre 1994 et 2009, elle monte plusieurs pièces au Teatro da Cornucópia de Lisbonne, dont La Cerisaie de Tchékhov. Elle est actrice pour une série télévisée française créée par Françoise Verny et Claude Davy, Le Lyonnais, dans l'épisode intitulé Taggers réalisé en 1990 par Cyril Collard.
Longs métrages
1976