Fils de l'écrivain Iouri Guerman, dont il adaptera deux romans, Alexeï Guerman débute sa carrière au théâtre, puis passe au cinéma en coréalisant avec Grigori Aronov Le Septième compagnon (1967), adapté du livre de Boris Lavrenev, Sednoï Spoutnik. Le film retrace le destin d'un général de l'armée du Tsar pendant la " terreur rouge ", en 1918, lors de la guerre civile russe. Emprisonné par le gouvernement bolchevik, celui-ci perd son honneur et ses biens. Cette première oeuvre annonce le caractère éminemment politique du cinéma d'Alexeï Guerman.
Considéré comme l'un des plus grands réalisateurs russes de la seconde moitié du XXe siècle, Alexeï Guerman a été très longtemps frappé d'interdiction dans son propre pays, devenant un symbole de la résistance au régime soviétique.
Sa faible notoriété à l'étranger tient en grande partie à la censure imposée par les pouvoirs politiques successifs de l'ex URSS. Peu prolixe, (il n'a réalisé que six films - dont un inachevé - en plus de quarante ans), son oeuvre explore les quatre premières décennies de l'Union soviétique. Ces films ont été interdits dans son pays jusqu'en 1986, date à laquelle la politique d'ouverture menée par Gorbatchev autorise enfin leur sortie. Alexeï Guerman a tourné tous ses films dans les studios Lenfilm à Saint-Pétersbourg, sa ville natale, qui deviendra le symbole visible de la perestroïka à la fin des années 1980.
C'est avec le premier film qu'il réalise seul, La Vérification, (1971), adapté d'une nouvelle de son père, qu'Alexeï Guerman affirme son style. Le cinéaste y questionne l'humanisme russe, à travers une histoire de trahison et de duplicité qui se déroule au cours de l'hiver 1942, sous l'occupation nazie. Le film est censuré et ne sort pas sur les écrans russes.
Tourné cinq ans plus tard, Vingt jours sans guerre (1976), écrit partiellement par son père et inspiré de la vie du célèbre poète et correspondant de guerre Konstantin Simonov, est une chronique anticonformiste de la Seconde Guerre mondiale. Tourné en noir et blanc comme tous les autres films du cinéaste, (pour qui " les souvenirs n'ont pas de couleurs "), cette oeuvre rompt avec la représentation héroïque du soldat soviétique, dogme absolu de l'URSS brejnévienne. La force et la subtilité du cinéma de Guerman s'y expriment pleinement, dans la description d'un désespoir latent et contenu. Le film est présenté en 1977 à la Semaine de la Critique à Cannes, sans que Guerman soit autorisé à s'y rendre. Le cinéaste y utilise déjà beaucoup le procédé du " regard-caméra ", qui devient le principe de construction de Mon ami Ivan Lapchine, tourné en 1982, une enquête policière sur le thème de la mémoire se déroulant en 1935, au début des grandes purges staliniennes. Le film est présenté en compétition au Festival international du film de Locarno et assoit la réputation de Guerman à l'étranger. En URSS, sa sortie sera bloquée pendant plus de deux ans.
Fruit d'une gestation de plus de dix ans et sélectionné pour le Festival de Cannes en 1998, son film suivant, Khroustaliov, ma voiture ! (1997), est considéré comme son chef-d'oeuvre. Dans ce film-fresque, Guerman décrit la descente aux enfers d'un médecin-chef et général de l'Armée rouge, Youri Glinski, victime du " complot des blouses blanches ", une machination montée de toutes pièces par le régime stalinien contre certains médecins, presque tous juifs, accusés d'avoir assassiné des dirigeants soviétiques. Youri Glinski est arrêté et envoyé au goulag. Ironie de l'histoire, il sera libéré par le KGB pour tenter de sauver Staline agonisant. L'expression traduite du russe qui donne son titre au film se réfère à la phrase qu'aurait prononcée Beria, chef de la police politique, alors que Staline venait de décéder, en commandant sa voiture à son chauffeur Khroustaliov, comme on dit : " sauve qui peut !". Alexeï Guerman y dresse un tableau cauchemardesque de la fin du règne de Staline, à la fois réquisitoire politique et expérience sensorielle éprouvante et inoubliable, grouillante de personnages et de situations burlesques.
En 1986, suite à l'arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev qui met en oeuvre une politique de libéralisation économique, culturelle et politique, Alexeï Guerman est réhabilité avec d'autres réalisateurs censurés durant l'ère brejnévienne. La diffusion de ses films interdits est enfin autorisée. Alexeï Guerman devient l'un des cinéastes soviétiques les plus en vue.
Paradoxalement, il ne tournera plus qu'un seul film jusqu'à sa mort en 2013. En 1999 commence le tournage de ce sixième et dernier film,Il est difficile d'être un dieu, à partir d'un scénario écrit en 1968. C'est l'adaptation d'un classique de la littérature russe de science-fiction, écrit en 1964 par les frères Arkadi et Boris Strougatski, et que le cinéaste intitule d'abord Chronique du carnage d'Arkanar. Le tournage est difficile et interminable, en raison de la santé défaillante de Guerman, mais aussi de ses méthodes anticonformistes (il travaille avec de nombreux comédiens non professionnels ou handicapés mentaux, ensuite doublés en studio). Le tournage ne prend fin qu'en 2006, ouvrant une longue période de postproduction. Le montage final est terminé après la mort du cinéaste par son fils Alexeï Guerman Jr., également réalisateur. Le film sortira en France en 2015. Fidèle au noir et blanc, il propose une réflexion philosophique sur la marche de l'Histoire et les rapports de pouvoir. Dans cette oeuvre posthume, Alexeï Guerman semble s'être détaché enfin de l'histoire de la Russie : le scénario, apocalyptique, se situe dans un monde moyenâgeux et sur une autre planète.
En octobre 1988, avec Iouri Pavlov, Alexandre Dontchenko et Nelly Arjakova, Alexeï Guerman crée à Leningrad un studio, " L'Atelier du premier film ", pour former de jeunes réalisateurs indépendamment de la société cinématographique d'État " Mosfilm ". Le studio produit une quinzaine de films entre 1989 et 1992 et devient l'un des hauts lieux du jeune cinéma russe, sans être une école cinématographique.
Alexeï Guerman a été secrétaire de l'Union des cinéastes de Leningrad-St Pétersbourg.
Dans les années 1980 et 1990, il a joué dans plusieurs films produits par les studios Lenfilm de Saint-Pétersbourg.
Il a fait de la mise en scène théâtrale au début de sa carrière.
1967 | Sednoï Spoutnik [Le Septième compagnon] | Alekseï Guerman, Grigori Aronov |
1971 | Proverka na dorogakh La Vérification | Alekseï Guerman |
1976 | Dvadzat dneï bez voïny Vingt jours sans guerre | Alekseï Guerman |
1982 | Moï droug Ivan Lapchin Mon ami Ivan Lapchine | Alekseï Guerman |
1997 | Khrustalyov, mashinu ! Khroustaliov, ma voiture ! | Alekseï Guerman |
2013 | Trudno byt bogom Il est difficile d'être un dieu | Alekseï Guerman |
1997 | Khrustalyov, mashinu ! Khroustaliov, ma voiture ! | Alekseï Guerman |
2013 | Trudno byt bogom Il est difficile d'être un dieu | Alekseï Guerman |
1997 | Khrustalyov, mashinu ! Khroustaliov, ma voiture ! | Alekseï Guerman |