Formation
Préalablement à sa carrière cinématographique, Joël Séria a travaillé dans le petit commerce. Marchand forain de sous-vêtements féminins, représentant de commerce à Angers, ces expériences lui inspirent la plupart de ses films. Attiré par le métier d'acteur, Joël Séria délaisse son Anjou natal pour Paris dans le courant des années 1960 et décroche de petits rôles au théâtre, au cinéma et à la télévision. Boxeur amateur, il réalise, en 1969, avec l'aide de l'actrice Jean Seberg, Shadow, un court métrage sur le "noble art".
Carrière au cinéma
Principalement dans les années 1970, Joël Séria est le réalisateur de films populaires, joyeux et provocateurs, dont quatre longs métrages avec son acteur fétiche, Jean-Pierre Marielle, notamment Les Galettes de Pont-Aven.
En 1970, Joël Séria tourne Mais ne nous délivrez pas du mal. Dans ce premier long métrage, il règle ses comptes avec les valeurs bienpensantes et cléricales, inspiré par dix années passées en institution catholique dans sa jeunesse. Sulfureux, instinctif, agressif et provocateur Mais ne nous délivrez pas du mal qui sort après sept mois de censure au début de l'année 1972, jouit d'un accueil très prometteur, autant critique que public. Après l'adolescence, ce sont ses débuts professionnels qui inspirent ses réalisations suivantes. La première d'entre elles, Charlie et ses deux nénettes, sort en 1973. Au parisianisme en vogue dans le cinéma français des années 1960-1970, le réalisateur préfère les milieux populaires de province, ses bistrots et ses lieux d'échange. Reconnu par la critique, ce film, qui célèbre le petit monde des commerçants forains ainsi que le bonheur dans la polygamie, ne trouve pas son public. Pour se relancer, Joël Séria - qui devient pour l'occasion son propre producteur - opte pour une réalisation plus commerciale, Les Galettes de Pont-Aven (1975). Pour y parvenir, il cumule de nombreux atouts : budget deux millions de francs, tournage carte-postale dans la "cité des peintres" et distribution nationale assurée par UGC. La palette d'acteurs séduit les spectateurs. Jean-Pierre Marielle, acteur vedette de cette première moitié des années 70 (Comment réussir quand on est con et pleurnichard ; La Valise ; Que la fête commence ; Dupont Lajoie...) en est la tête d'affiche. A ses côtés se distinguent Bernard Fresson (French connection 2), Claude Piéplu (La Moutarde me monte au nez), Andréa Férreol (La Grande bouffe) et Dominique Lavanant, alors jeune-première venue du café-théâtre. En dépit d'une critique réservée, Joël Séria renoue avec le succès. Comme pour ses précédentes oeuvres, le film est en partie autobiographique : familier de la Bretagne depuis l'enfance, Joël Séria filme les aventures cocasses d'un VRP en parapluies, artiste peintre grand amateur de modèles callipyges, qui cherche à se libérer de sa condition de mari et père de famille. Le film vaut pour ses numéros d'acteurs. En étroite collaboration avec ses interprètes, Joël Séria préfère révéler, selon ses propres termes, "l'homme qui se cache sous les défroques du comédien", plutôt que "l'acteur proprement dit". A la limite de l'improvisation, le comédien livre une prestation pleine de panache. Avec Les Galettes de Pont-Aven, Joël Séria s'affirme aussi dialoguiste. "Oh qu'il est beau, on dirait un Courbet dit donc... Quel génie il faut pour peindre ça, quand je pense que ce mec en a peint des milliers et qu'on l'a poursuivi pour obscénité, alors qu'il a peint la plus belle chose au monde... : un cul !" Comme en témoigne cette réplique (devenue culte) scandée par Marielle, l'écriture parfaitement travaillée s'harmonise ici avec une grande liberté de langage. L'année suivante, Joël Séria offre à Jeanne Goupil, le rôle-titre de Marie-Poupée, un film - ambitieux et personnel - sur le fétichisme. Petite soeur française de la Baby doll d'Elia Kazan, Marie-Poupée, film à l'érotisme délicat, peine à convaincre le public. Echaudé par cet échec, Joël Séria tourne en 1977 : ... Comme la lune. Pour sa troisième collaboration avec l'auteur des Les Galettes de Pont-Aven, Jean-Pierre Marielle reprend son rôle d'idiot poétique, de "con" tendre et charmant. De nombreux détracteurs reprochent à cette ode à la dérision son ton agressif et sa méchanceté gratuite. Le film se solde par une nouvelle déconvenue. Joël Séria est contraint de déposer le bilan de sa société de production Coquelicot Films. Exception faite d'un film de commande qui le plonge dans l'univers de Frédéric Dard (San Antonio ne pense qu'à ça, 1981), Joël Séria s'éloigne du Septième art pendant dix ans, période où il se tourne vers la télévision. En 1987, il revient avec Les Deux crocodiles, un "rocambolesque western breton" (Le Figaro) animé par le duo Jean-Pierre Marielle / Jean Carmet. Potache et grivoise, cette comédie - produite par Alain Sarde - ne parvient pas à restituer "l'anarchisme rabelaisien" des Galettes de Pont-Aven. 23 ans après, Joël Séria retrouve les souvenirs de son enfance, en signant en 2009 une chronique respectueuse sur son ancienne maitresse d'école Mumu, interprétée par Sylvie Testud. Eloigné de ses précédentes réalisations, cet anti-Petit Nicolas naturaliste surprend la critique.
Autres activités
Après un premier rôle cinématographique dans le film Les Frangines de Louis Gourguet (1959), Joël Séria fait des apparitions dans des téléfilms (Le Massacre des innocents - 1961 ; Le Dernier quart d'heure - 1962 et Meurtre sur commande - 1966) et séries (L'Inspecteur Leclerc enquête - 1962 ; Thierry La Fronde - 1965).
Réalisateur pour le petit écran, Joël Séria signe certains épisodes des séries Sam et Sally (1980), Série noire (1985-1986), Cinéma 16 (1989), Le JAP, juge d'application des peines (1995) et Nestor Bruma (1993-1997). Pour France 2, il dirige quatre téléfilms : Gueule d'arnaque (1989), Le Raisin d'or (1994), Chaudemanche père et fils (1996) et Léopold (2000), avec Michel Galabru et Jeanne Goupil.
Romancier, Joël Séria est l'auteur de L'Oeil de vénus (2000), Que Viva Cinema ! (2008), Venice Beach California (2011). En 2005, il publie aux éditions du Cherche Midi le scénario des Galettes de Pont-Aven, suivi de Pleine Lune à Pont-Aven.