Formation
Issu d'une famille d'origine ardennaise et limousine, Louis Jouvet suit son père dans les déplacements imposés par sa profession d'entrepreneur en bâtiment et travaux public. A sa mort brutale, il est recueilli par son oncle, pharmacien. Adolescent, il entreprend les études de la même spécialité. En réalité, seul le théâtre le passionne. Après son service militaire, il tente trois fois le Conservatoire, sans succès. Jacques Copeau l'engage alors dans sa troupe au théâtre du Vieux Colombier pour être acteur, régisseur, décorateur et assistant metteur en scène. Durant la Première Guerre mondiale, il est mobilisé. En 1923, il quitte Jacques Copeau pour fonder la Comédie des Champs-Elysées et se rend populaire en créant Knock de Jules Romains. En 1932, Louis Jouvet débute à l'écran dans deux adaptations de succès éprouvés au théâtre : Topaze de Louis Gasnier et Knock de Roger Goupillères et lui-même.
Carrière au cinéma
Qu'il soit sec, caustique, amer ou carrément noir, le jeu de Louis Jouvet crée le suspense. Face à ses personnages, le spectateur n'est jamais tranquille, et pour cause : le comédien les rend aussi authentiques que trompeurs, grâce à une perspicacité jamais prise en défaut, d'où l'acuité des rôles et des compositions qu'il laisse derrière lui.
Révélé en moine paillard et cynique dans La kermesse héroïque (1935) de Jacques Feyder, Louis Jouvet décline toute une gamme de figures fascinantes sur des dialogues d'Henri Jeanson. Sa fameuse diction hachée et sa maîtrise des fausses politesses et autres jeux de façade achèvent d'en préciser l'expression. Ainsi dans Les bas-fonds (1936) de Jean Renoir, il joue un baron que l'ironie du sort réunit à un prolétaire, interprété par Jean Gabin. Espion obscur de Mademoiselle docteur (id.) de Georg Wilhelm Pabst, il flaire parfois l'étrange, voire le bizarre, de Drôle de drame (1937) de Marcel Carné quand une franche dualité ne le pousse pas aux persiflages de L'alibi (id.) de Pierre Chenal. Il sombre alors dans le chantage avec La maison du Maltais (1938) du même réalisateur. Mais sous le cynisme, des failles se devinent, comme dans Un carnet de bal (1937) de Julien Duvivier. Même au second plan, son jeu inimitable grandit le rôle (Hôtel du nord, 1938, de Marcel Carné). Il sait d'ailleurs jouer son propre rôle, celui du professeur (Entrée des artistes, id., de Marc Allégret). Et quand il interprète un comédien qui vieillit mal (La fin du jour, 1939, de Julien Duvivier), la tragédie n'est pas loin. Après un autre vieillard odieux, Volpone (1940) de Maurice Tourneur, ancien rôle de Charles Dullin, Jouvet crée son portrait le plus complexe : le personnage assoiffé de vengeance et cependant plein de regrets du Revenant (1946) de Christian-Jaque. Dans le sillage de Copie conforme (1947) de Jean Dréville, l'enquête de Entre onze heures et minuit (1948) d'Henri Decoin joue sur le thème du sosie, ingrédient de composition par excellence. Flic désabusé du Quai des orfèvres (1947) d'Henri-Georges Clouzot, chef-d'oeuvre réunissant aussi Bernard Blier, Suzy Delair et Simone Renant, Louis Jouvet termine sa carrière comme il l'avait commencée : il interprète Knock (1950) de Guy Lefranc, avant de se transformer une dernière fois en inspecteur dans Une histoire d'amour (1951) du même réalisateur.
Autres activités
En 1927, Louis Jouvet, homme de théâtre avant tout, crée avec Gaston Baty, Georges Pitoëff et Charles Dullin le Cartel, association de metteurs en scène opposés au théâtre commercial.
En 1934, il prend la direction du théâtre de l'Athénée.
Il révèle de nombreux auteurs, notamment Jean Giraudoux dont il crée Siegfried (1928), La guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), Ondine (1939) et La folle de Chaillot (1946).
Féru de Molière, il met en scène, entre autres, L'école des femmes (1936) et Dom Juan (1947). Il révèle aussi Jean Genêt avec Les bonnes (1946).
Professeur au Conservatoire, Louis Jouvet publie un essai intitulé Le comédien désincarné.