Formation
Attiré dès son plus jeune âge par les activités artistiques, Guy Gilles étudie aux Beaux-arts d'Alger et s'essaie à la peinture tout en écrivant des articles pour la presse algéroise. Dès 1958, grâce à l'argent de l'héritage de sa mère, il tente l'aventure du cinéma avec deux courts métrages, Soleil éteint et Au biseau des baisers (1959). Il quitte alors l'Algérie pour Paris où il fait plusieurs rencontres décisives : Pierre Braunberger lui offre les moyens de terminer ses deux premiers films et devient le producteur de ses courts (Paris un jour d'hiver, 1965 ; Chanson de gestes, 1966) ; François Reichenbach le choisit comme monteur et assistant (La Douceur du village, 1964) et co-signe même avec lui le court métrage Histoire d'un petit garçon devenu grand (1962) ; Jacques Demy enfin, pour lequel il éprouve une grande admiration perceptible dans la plupart de ses films, l'engage comme assistant sur son sketch des Sept Péchés capitaux, La Luxure (1962).
Carrière au cinéma
Cinéaste inclassable sur la cartographie du cinéma français, Guy Gilles est l'auteur d'une oeuvre méconnue, mélancolique et poétique, où se mêlent nostalgie d'un passé obsédant, passion pour les acteurs et actrices, références cinéphiles et littéraires et attention aux sentiments.
De L'Amour à la mer (1965) à Nefertiti (1996), Guy Gilles a élaboré ses films en marge de la Nouvelle Vague comme du système de production traditionnel, en s'y heurtant parfois douloureusement (absence de producteur et de distributeur pour le premier, imbroglio financier international mettant en péril le dernier), souvent dans l'indifférence d'un grand public dérouté par la singularité précieuse de son regard.
C'est donc dans des conditions précaires - trois ans de travail et un budget plus que limité -, que Guy Gilles tourne L'Amour à la mer. Histoire d'amour romantique que ses deux protagonistes ne vivent pas avec la même intensité, cet essai porte déjà en lui nombre des obsessions (thématiques et esthétiques) de son auteur. On y croise pour la première fois celui qui deviendra son acteur fétiche (Patrick Jouané) ainsi que nombre de vedettes séduites par l'enthousiasme d'un jeune homme. Il saura en effet toujours convaincre des stars d'apporter quasi bénévolement leur contribution à son cinéma : Jean-Claude Brialy, Alain Delon, Jean-Pierre Léaud ou Juliette Gréco surgissent le temps d'une séquence, contribuant à l'étrangeté poétique un peu hors du temps qui nimbe L'Amour à la mer.
On retrouve cette atmosphère dans Au pan coupé (1967), interprété par Patrick Jouané et Macha Méril, qui crée sa propre société de production, Machafilms, pour lui permettre de voir le jour. Le charme de ce film sensible sur le souvenir d'un d'amour perdu ne laisse indifférents ni Jean-Louis Bory ni Marguerite Duras.
Alors qu'il espère tourner son film suivant, Le Clair de terre (1969), dans son Algérie natale, Guy Gilles doit se résoudre à le faire en Tunisie. Ce retard le contraint à remplacer Simone Signoret dans le rôle central de l'institutrice retraitée. Edwige Feuillère accepte le rôle, et apporte au personnage son élégance impériale et surannée. Considéré comme le chef-d'oeuvre de son auteur, Le Clair de terre est comme un concentré de son art, entre nostalgie du propos et modernité de l'écriture.
Il ne retrouvera jamais cet équilibre fragile, même dans Absences répétées (1972), en dépit du Prix Jean Vigo qui vient le couronner. Plus sombre que ses films antérieurs, Absences répétées suit le mortifère processus d'isolement d'un jeune homme, entre drogue et suicide programmé.
En dehors du très impressionniste Jardin qui bascule (1974) avec Delphine Seyrig, Guy Gilles ne tournera plus de long métrage pendant une décennie.
Le Crime d'amour (1982) est un film bancal entre enquête policière, récit d'un amour fou et tragique entre un jeune homme et une femme plus âgée (Macha Méril, à nouveau productrice), peinture d'une pulsion homosexuelle latente. La mise en scène ne parvient que rarement à articuler ces divers niveaux. L'échec est encore plus patent avec Nuit docile (1987) qui sort dans l'indifférence générale.
Alors qu'il est déjà très malade, Gilles entreprend Nefertiti, ambitieuse coproduction internationale qui l'épuise et tourne au fiasco. En 1995, il en signe une version inachevée qui ne sortira jamais en salles et ne sera diffusée que très discrètement à la télévision.
Le 3 février 1996, Guy Gilles meurt des suites du sida. Son frère, Luc Bernard, lui consacre en 1999 un documentaire : Lettre à mon frère Guy Gilles, cinéaste trop tôt disparu.
Autres activités
En parallèle à ses réalisations pour le cinéma, Guy Gilles mène une prolifique activité de réalisateur pour la télévision. Il travaille en particulier dans le cadre de l'émission Pour le plaisir de Roger Stéphane (l'un des plus grands soutiens du cinéaste), du Dim Dam Dom de Daisy de Galard et de Cinémas Cinémas, qui lui permet de signer une évocation nostalgique de sa passion pour les actrices, Où sont-elles donc ? (1983), reportage dans lequel interviennent Madeleine Sologne, Odette Joyeux ou Jany Holt.
C'est également pour le petit écran qu'il consacre un documentaire à Marcel Proust (Proust, l'art et la douleur, 1971) et un autre à Jean Genet (Saint, martyr et poète, 1974). La Loterie de la vie, évocation poétique de Mexico sur les traces d'une jeune femme liftier d'hôtel, lui vaut en 1977 une nomination au César du meilleur documentaire. Sa dernière réalisation pour la télévision est, en 1984, un téléfilm tiré d'un roman de Pascal Sevran, Un garçon de France.
Guy Gilles est l'auteur de photographies, de peintures et de plusieurs textes en partie inédits.
Prix
- Grand Prix, 1973 au Prix Jean Vigo pour le film : Absences répétées, 1972