Ciné-Ressources – Fiches personnalités

Louis Delluc

Réalisateur, Interprète, Auteur de l'oeuvre originale, Producteur, Scénariste


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Naissance
14 octobre 1890 à Cadouin (Dordogne, France)
Décès
22 mars 1924 à Paris (France)
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Formation

Jeune homme passionné, Louis Delluc écrit très tôt des poèmes et des pièces de théâtre. Dès 1908, il collabore à plusieurs revues comme chroniqueur de spectacles. Il s'intéresse au cinéma, cet art nouveau selon lui encore trop asservi au théâtre ou à la littérature. Loin des " abominations feuilletonesques " et des " comique à la Rigadin ", Louis Delluc découvre le cinéma américain. Forfaiture (Cecil B. DeMille, 1915) est une révélation. Delluc comprend que le cinéma est un langage, riche de sa propre syntaxe, avec ses cadrages, ses lumières, son jeu d'acteurs puissant et expressif, et surtout son montage qui lui donne son style et son rythme. Il devient critique de films en 1917. La cinéaste Germaine Dulac lui confie en 1917 le scénario de son film La Fête espagnole. C'est pour Louis Delluc l'occasion d'expérimenter ses idées sur ce nouveau langage cinématographique. Il va construire un découpage plan par plan qui "pense le film en images".

Carrière au cinéma

Promoteur de l'art cinématographique et inventeur de la cinéphilie, Louis Delluc est au centre de la Première Avant-garde du cinéma français au début des années 1920.
Première incursion dans le monde du cinéma, le scénario de La Fête espagnole est novateur, débarrassé du jargon pompeux des techniciens, avec des indications simples et claires de cadrage et de mouvement de caméra. Un poème plus qu'un véritable récit, comme la plupart des films de Delluc, avec l' Espagne comme cadre lumineux d'une tragédie digne de la Grèce antique. En 1919, Louis Delluc tourne son premier film, aujourd'hui perdu, Fumée noire, dans lequel joue sa femme l'actrice Ève Francis, égérie du cinéma muet, qui sera son interprète principale. Avec une intrigue très mince sur fond de fumée d'opium, certains des thèmes récurrents du cinéaste sont déjà là : la confrontation du présent et du passé, le chevauchement du réel et de l'imaginaire, et des chassés-croisés tragi-comiques de personnages égarés dans une aventure onirique. Un film ambitieux, mais un film raté, selon son auteur.
Durant l'été 1920, le jeune cinéaste tourne au Pays Basque, cher à son coeur, un film qu'il reniera plus tard, Le Chemin d'Ernoa. Il en écrit le scénario, une histoire simple dans laquelle les décors naturels s'accordent aux sentiments des personnages. Ève Francis investit l'image de sa présence obsédante et lumineuse. 1920 est aussi l'année de parution d'un livre majeur de Louis Delluc, Photogénie, un recueil d'articles dans lequel le cinéaste livre sa réflexion essentielle sur le cinéma. Cet art est pour lui proprement photogénique, étant "le langage des images mouvantes, de la photographie animée et de la succession des plans".
Avec Le Silence (1920), Delluc joue pleinement des nouvelles potentialités du cinéma pour narrer une histoire ponctuée d'ellipses et de flash backs, séparés par des fondus ou indiqués par des surimpressions. Le film est original à plusieurs titres : un seul personnage (l'acteur Gabriel Signoret, au jeu sobre et d'une grande finesse) dans un décor unique. Une action réduite au minimum, pas de récit linéaire mais un monologue intérieur comme fil rouge, une sorte de plongeon dans le subconscient d'un homme. Le passé revient à la mémoire du personnage sans chronologie, suivant seulement le cheminement de sa pensée.
Tourné en 1921 en une semaine, à l'économie, Fièvre (d'abord intitulé La Boue), va, selon ses contemporains, placer Louis Delluc parmi les cinéastes les plus importants de son temps, à l'égal de Marcel L'Herbier, Germaine Dulac ou Abel Gance. Là encore, une trame narrative très mince, deux anciens amants désunis qui se retrouvent dans la fièvre d'un soir de désordre à Marseille. Un bar à matelots comme décor unique du film et personnage à part entière du drame. Avec un découpage minutieusement fragmenté (427 plans), un usage très poussé de la profondeur de champ, le simple jeu de l'ombre et de la lumière, du blanc et du noir, exalté par un rythme interne, ainsi qu'une interprétation sobre et haute en relief, Fièvre atteint une très grande puissance expressive. Sa poésie grave et mélancolique, son ambiance portuaire pleine de la nostalgie des voyages, sa peinture des milieux populaires, voire interlopes, auront une grande influence sur le réalisme poétique des années 1930 et les films de Renoir ou Carné. À sa sortie, le film connaît des démêlés avec la censure, qui lui reproche son cadre mal famé et ses scènes de violence et de seins nus. De nombreux plans seront coupés.
Le Tonnerre (1921), film aujourd'hui perdu, adapté d'une nouvelle de Mark Twain (et sans Ève Francis), est une sorte de récréation comique dans l'oeuvre de Delluc, sans lendemain. Son souvenir sera effacé par le film suivant, considéré comme le chef-d'oeuvre du réalisateur, La Femme de nulle part (1921). Il en écrit le scénario, qu'il nourrit de ses obsessions : la solitude des êtres, la quête du bonheur enfui, l'obsédante empreinte du passé dans le présent et son impossible retour. Dans son désir d'échapper à un cinéma purement romanesque, il livre ici un poème intimiste et dépouillé, à la construction habile, recherchant l'harmonie entre les personnages et les décors naturels. Les deux interprètes principales, Ève Francis et Gine Avril, apportent à ce monologue intérieur, entre équilibre bourgeois et abandon de la passion, toute une palette de nuances psychologiques. Avec La Femme de nulle part, son film préféré, Delluc semble avoir atteint un sommet dans son ambition cinématographique et sa recherche de style et d'expression. Le film provoque une énorme sensation artistique à sa sortie en 1922. Reconnu comme un chef-d'oeuvre d'avant-garde par la critique, il connaît néanmoins un échec commercial et public. Ce sera son dernier vrai film.
Dès lors, l'avenir s'assombrit. Ève Francis le quitte brusquement en 1922, les dettes s'accumulent, la dépression et la maladie s'installent. L'année 1923 sera pour Louis Delluc celle des désenchantements et d'une lutte acharnée pour la survie. Marcel L'Herbier, en gage d'amitié, lui confie l'écriture et la réalisation d'une adaptation du roman provençal de Renée Husson, L'Inondation, une tragédie villageoise se déroulant sur fond de crue du Rhône. Une fois de plus, Delluc met en scène la tragédie des hommes et la beauté douloureuse de la nature. Le tournage a lieu en décors naturels, dans le Vaucluse, sous le mistral et la pluie. Les conditions de tournage aggravent une tuberculose déjà ancienne, qui emporte le cinéaste au printemps 1924, à 33 ans, deux mois avant la sortie de ce dernier film.
La brusque disparition de Louis Delluc cause une forte émotion dans le monde du spectacle et du cinéma. Cet homme pressé aura réalisé sept films en moins de quatre ans. Ne subsistent dans leur intégralité que trois d'entre eux, Fièvre, La Femme de nulle part (1922) et L

Autres activités

Louis Delluc est l'auteur de recueils de poésie, de pièces de théâtre, de nouvelles, et de plusieurs romans. Il a beaucoup écrit sur le cinéma, rassemblant ses articles dans des publications (Photogénie, Cinéma & Cie). Inventeur du terme "cinéaste", sa réflexion théorique a alimenté de jeunes revues cinéphiliques qu'il a contribué à fonder, comme Le Journal du ciné-club ou Cinéa, posant les premiers jalons d'une critique concernée et active. Il est ainsi à l'origine, dès 1919, d'une spécificité française, la critique de cinéma subjective, poursuivie par Vigo, Truffaut, Godard ou Tavernier, qui critiquèrent les films des autres avant de mettre en oeuvre leurs idées à l'écran en devenant réalisateurs. Louis Delluc a créé des associations corporatives pour diffuser en salles des films d'auteur, préfigurant l'idée de "ciné-club". Depuis 1937, un prix qui porte son nom récompense chaque année le meilleur film français.

Ouvrages

  • Louis Delluc et le cinéma français / Pierre Lherminier ; texte liminaire de Léon Moussinac ; avec une sélection de textes de Louis Delluc. - Paris : Ramsay, 2008
  • Louis Delluc, 1890-1924 : l'éveilleur du cinéma français au temps des années folles / Gilles Delluc. - Périgueux : Pilote 24, 2002

Périodiques

  • Avant-Scène Cinéma (L'), n° 639-640. Louis Delluc. Tancrède Delvolvé, "Louis Delluc "
  • Cahiers de la cinémathèque (Les), n° 35-36, Automne 1982. Eugène McCreary, "Louis Delluc et le cinéma américain"
  • Cahiers du cinéma (Les), n° 19 Hors-série, janvier 1995. Antoine de Baecque, "Delluc invente le terme de ''cinéaste"
  • Cahiers du cinéma (Les), n° 202, juin-juillet 1968. Henri Langlois, "L'avant-garde française"
  • Cahiers du cinéma (Les), n° 202, juin-juillet 1968. Jean-André Fieschi, "Autour du cinématographe"
  • Cinémathèque n° 17, printemps 2000. Erik Bullot, "Le fulgural et la photogénie"
  • Positif, n° 663, mai 2016. Alain Masson, "Louis Delluc "

Courts métrages

en tant que : Réalisateur

1920 Chemin d'Ernoa (Le) Louis Delluc

en tant que : Scénariste

1920 Chemin d'Ernoa (Le) Louis Delluc

Longs métrages

en tant que : Réalisateur

1919 Fumée noire Louis Delluc
1920 Silence (Le) Louis Delluc
1921 Femme de nulle part (La) Louis Delluc
1921 Fièvre Louis Delluc
1921 Tonnerre (Le) Louis Delluc
1923 Inondation (L') Louis Delluc

en tant que : Scénariste

1919 Fête espagnole (La) Germaine Dulac
1919 Fumée noire Louis Delluc
1920 Silence (Le) Louis Delluc
1921 Femme de nulle part (La) Louis Delluc
1921 Fièvre Louis Delluc
1921 Tonnerre (Le) Louis Delluc

en tant que : Auteur de l'oeuvre originale

1926 Train sans yeux (Le) Alberto Cavalcanti

en tant que : Producteur

1921 Fièvre Louis Delluc

en tant que : Interprète

1921 Prométhée... banquier Marcel L'Herbier