Im Kwon-Taek grandit à Gwangju (aujourd'hui en Corée du Sud). Ses parents sont des petits paysans imprégnés de tradition mais attentifs aux idées sociales qui se diffusent avec la partition de la Corée en 1948. Il connaît une enfance difficile. Sa famille, suspectée de sympathies communistes, est persécutée par le pouvoir politique de Corée du Sud. La Guerre de Corée, qui prend fin en 1953, laisse un pays en ruine. Fuyant la misère, Im Kwon-Taek quitte les siens et s'installe dans le grand port de Pusan, sur le Pacifique, où il passe d'un métier à un autre pour survivre. C'est par hasard qu'il entre dans le cinéma, en suivant à Séoul une équipe de tournage rencontrée en 1956. D'abord chargé des décors, il devient en 1958 l'assistant réalisateur de Chong Chang-hwa, spécialiste du film de genre.
Cinéaste prolixe, Im Kwon-Taek est l'auteur d'une oeuvre plurielle qui a su capter la nature profonde de la Corée, saisie dans son passé et son présent.
Im Kwon-Taek réalise en 1962 son premier long métrage, Au revoir, rivière Duman, un film d'action dont le succès lui ouvre les portes des puissants studios de cinéma coréens.
Pendant plus d'une décennie, jusqu'à la fin des années 1970, il apprend son métier " sur le tas ", enchaînant à un rythme soutenu les productions de genre à petit budget (il tourne plus de 50 films de 1962 à 1973). Il est alors un " artisan de studio ", formé à la fabrication industrielle de divertissements populaires, mélodrames, films d'action ou de guerre, comédies ou reconstitutions historiques. En l'absence de télévision, le cinéma est à cette époque l'unique divertissement populaire. Mais c'est aussi et avant tout une entreprise commerciale : l'industrie cinématographique coréenne est alors déterminée par un système protectionniste et produit en masse des films à petit budget, tournés à toute vitesse pour remplir les quotas fixés par la loi. Im Kwon-taek participe à l'éclosion de ce cinéma national, à cette frénésie de production, en enchaînant westerns " mandchous " ( L'Aigle des plaines, 1969), films de sabre (La Nuit de la pleine lune, 1969), mélodrames ( La Seconde mère , 1971), ou films de gangsters (La Spirale des trahisons à Myeongdong 1971). Au milieu des années 1970, il est devenu l'un des fabricants de films les plus réputés de Choong Moo-ro, le quartier des studios de cinéma de Séoul. Le cinéaste avouera plus tard n'avoir eu, à cette époque, aucune ambition pour le cinéma, qualifiant d'" essais " ses 50 premiers films.
Néanmoins, c'est au cours de cette période que son cinéma va connaitre une inflexion vers plus de créativité : en témoigne en 1972 Les Mauvaises herbes, un film déjà plus personnel, mais dont il ne reste que quelques photogrammes. Son inventivité s'exprime par une volonté de subvertir les conventions, d'imaginer des dramaturgies originales, et par une attention portée à des personnages qui transcendent leur nature de stéréotypes. Wangsimni (1976), du nom du quartier de Séoul où se rassemblent les déracinés et les marginaux, marque un tournant vers un cinéma d'auteur, de même que Généalogie (1978), dans lequel Im Kwon-taek accorde plus d'importance au regard qu'à l'histoire elle-même.
L'oeuvre d'Im Kwon-taek ne se déploie pleinement qu'à l'aube des années 1980 avec la fin de la dictature militaire du président Park Chung-hee. Jusqu'ici technicien efficace, il va devenir un artiste à part entière, en bénéficiant de l'assouplissement du système cinématographique et politique sud-coréen qui se détache de la prescription des genres et de la fabrication en masse de programmes pour les salles. Au cours des années 1980, le réalisateur construit son univers en prenant ses distances par rapport au cinéma coréen traditionnel, sans le renier totalement. En effet, une des dimensions fondamentales de son oeuvre est l'inclusion du passé dans le présent, la "friction" de l'archaïque et du moderne, du monde urbain et des campagnes ( Angemaeul, 1982). ll s'interroge sur le poids du bouddhisme et de la tradition confucéenne dans la société coréenne contemporaine. Dans Deux moines en 1981, la caméra d'Im Kwon-taek, dont les mouvements à la concision presque ascétique prennent plus de place que la trame du scénario, suit le parcours d'un moine bouddhiste, en lutte contre lui-même et contre son entourage. Gilsoddeum en 1985, et Le Ticket en 1986, sont deux films emblématiques de sa préoccupation sociale.
À la fin des années 1980, la notoriété d'Im Kwon-taek commence à dépasser les frontières de la Corée. En France, le Festival des Trois Continents à Nantes contribue à sa reconnaissance en organisant une rétrospective de ses films. Mais c'est La Chanteuse de pansori (1993), sorti en France en 1995, qui révèle véritablement le cinéaste en Occident. S'inspirant, dans la forme, du pansori, un art vocal, narratif et musical traditionnel coréen, le cinéaste signe un vibrant mélodrame, doublé d'une fresque sur la Corée des années 1930. Im Kwon-taek analyse les souvenirs inconscients d'une chanteuse maltraitée par son père. Il construira sur le même modèle Le Chant de la fidèle Chunhyang (1999). Ce film est présenté au Festival de Cannes en 2000. Deux ans plus tard, Im Kwon-taek y connait la consécration en remportant le Prix de la Mise en scène pour Ivre de femmes et de peinture (tourné en 2001), portrait sensuel du peintre coréen Chiwaeson, qui tenta au XIXe siècle de briser la tutelle féodale de l'académie. Im Kwon-taek semble changer de registre en quittant les séductions du film à costumes avec La Pègre (2003), fresque intimiste qui dépeint un moment d'histoire de la Corée, des années 1950 à la fin des années 1970, à travers le portrait d'un petit truand. Loin des clichés de la reconstitution historique et avec une stylisation presque théâtrale, Im Kwon-taek expose les liens qui ont uni les milieux du banditisme et les différents gouvernements et partis politiques de la Corée du Sud depuis 1953. Le cinéaste poursuit son oeuvre, avec Papier traditionnel coréen en 2010. Dans une tonalité plus intimiste, il tourne en 2014 Revivre, où il s'attache à l'aventure amoureuse extraconjugale d'un cadre d'une entreprise de produits cosmétiques confronté à la mort prochaine de sa femme.légitime.
Unique pas sa longévité et son amplitude, l'oeuvre d'Im Kwon-taek est l'ambassadrice du cinéma coréen dans le monde. Reliant monde moderne et tradition, celui qui a déclaré : " je cherche le mouvement dans l'immobilité " a construit pour sa génération un imaginaire collectif coréen moderne tissé de références historiques.
1962 | Dumangang-a Jal Itgeora [Au revoir, rivière Duman] | Kwon-taek Im |
1963 | Mangbuseok [Une épouse changée en pierre] | Kwon-taek Im |
1963 | Sinmungo [Le Tambour des revendications] | Kwon-taek Im |
1964 | Simnyeon Sedo [La Règle des dix ans] | Kwon-taek Im |
1965 | Jeonjanggwa Yeogyosa | Kwon-taek Im |
1966 | Beopchangeul ulrin ok-i [Soon-ok fait pleurer le tribunal] | Kwon-taek Im |
1966 | Naneun Wang-ida [Je suis le roi] | Kwon-taek Im |
1967 | Pung-unui Geomgaek [Le Sabreur qui est venu avec le vent] | Kwon-taek Im |
1968 | Baramgateun Sanaï [Un homme comme le vent] | Kwon-taek Im |
1968 | Yohwa, Jang Hee-bin [Jang Hee-bin, la séductrice] | Kwon-taek Im |
1969 | Hwang-ya-ui Dogsuri [L'Aigle des plaines] | Kwon-taek Im |
1969 | Loegeom, Beongaekal [Le Sabre du tonnerre] | Kwon-taek Im |
1969 | Sanai Samdae [Trois générations d'hommes] | Kwon-taek Im |
1969 | Siboya [La Nuit de la pleine lune] | Kwon-taek Im |
1969 | Sinse Jom Jijagu-yo [Désolé pour le dérangement] | Kwon-taek Im |
1970 | Aekkunun Bak [Park le borgne] | Kwon-taek Im |
1970 | Geu yeojaleul jjoch-ala [Une femme poursuivie] | Kwon-taek Im |
1970 | Sognunseob-i gin yeoja [La Femme aux longs cils] | Kwon-taek Im |
1970 | Wolha-ui geom [L'Epée sous la lune] | Kwon-taek Im |
1971 | 30nyeonman-ui daegyeol [un duel de trente ans] | Kwon-taek Im |
1971 | Duljjae-eomeoni [La Seconde mère] | Kwon-taek Im |
1971 | Myeongdongsamgugji [La Spirale des trahisons à Myeongdong] | Kwon-taek Im |
1971 | Wonhan-ui du kkobchu [Les Deux bossus vengeurs] | Kwon-taek Im |
1971 | Wonhan-ui geoli-e nun-i naelinda [Il neige sur la rue de la vengeance] | Kwon-taek Im |
1972 | Dol-a-on ja-wa tteona-ya hal ja [Celui qui est revenu et celui qui doit partir] | Kwon-taek Im |
1972 | Myeongdong janhoksa [Histoire cruelle de Myeongdong] | Jang-ho Byeon, In-hyeon Choe, Kwon-taek Im |
1972 | Samgugdaehyeob [Trois grands sabres] | Kwon-taek Im |
1973 | Janganmyeonggi obaekwa [Cinq hôtesses mémorables] | Kwon-taek Im |
1973 | Jeung-eon La Bataille du 38ème parallèle | Kwon-taek Im |
1973 | Wae geulaessdeonga [Pourquoi ai-je fait ça ?] | Kwon-taek Im |
1974 | Anaedeul-ui haengjin [La Marche des épouses] | Kwon-taek Im |
1974 | Ulji anh-euli [Je ne pleurerai pas] | Kwon-taek Im |
1974 | Yeonhwa | Kwon-taek Im |
1974 | Yeonhwa 2 | Kwon-taek Im |
1976 | Anae [L'Epouse] | Kwon-taek Im |
1976 | Maenbal-ui nungil [Pieds nus dans la neige] | Kwon-taek Im |
1976 | Nakdonggang-eun heuleuneunga [Et coule la rivière Nakdong] | Kwon-taek Im |
1976 | Wangshibri | Kwon-taek Im |
1977 | Imjinlangwa Gye Wolhyang [Gye Wol-hyang pendant la guerre Imjin] | Kwon-taek Im |
1977 | Okryegi [La Vie de Ok-rye] | Kwon-taek Im |
1978 | Gakkabgodo meon gil [Si proche mais si loin] | Kwon-taek Im |
1978 | Jogbo [Généalogie] | Kwon-taek Im |
1978 | Sangnoksu [L'Arbre toujours vert] | Kwon-taek Im |
1979 | Gisbal-eobneun gisu [Le Héros caché] | Kwon-taek Im |
1979 | Nae-il tto nae-il [Demain après demain] | Kwon-taek Im |
1979 | Singung [L'Arc divin] | Kwon-taek Im |
1980 | Bogbu-in [La Spéculatrice] | Kwon-taek Im |
1980 | Jagko [Nez cassé] | Kwon-taek Im |
1981 | Mandala Deux moines | Kwon-taek Im |
1981 | Usang-ui nunmul [Les Larmes de l'idole] | Kwon-taek Im |
1982 | Abengo gongsugundan [Abengo Airborne Cops] | Kwon-taek Im |
1982 | Angemaeul | Kwon-taek Im |
1982 | O-yeomdoen jasigdeul | Kwon-taek Im |
1983 | Bului dal [La Fille du feu] | Kwon-taek Im |
1983 | Nabipumeseo wuleoss-da [Elle a pleuré dans l'étreinte d'un papillon] | Kwon-taek Im |
1984 | Heuleuneun gangmul-eul eojji mag-eulya [Qui pourra bloquer un torrent ?] | Kwon-taek Im |
1985 | Gilsoddeum | Kwon-taek Im |
1986 | Ssibat-i | Kwon-taek Im |
1986 | Ticket [Le Ticket] | Kwon-taek Im |
1987 | Yeonsan-ilgi [Chronique du roi Yonsan] | Kwon-taek Im |
1988 | Adada | Kwon-taek Im |
1988 | Aje aje bara aje [Viens, viens, viens plus haut] | Kwon-taek Im |
1990 | Janggun-ui-adeul [Le Fils du général] | Kwon-taek Im |
1991 | Gaebyeok [L'Aube de la civilisation] | Kwon-taek Im |
1991 | Janggun-ui-adeul 2 [Le Fils du général 2] | Kwon-taek Im |
1992 | Janggun-ui-adeul 3 [Le Fils du général 3] | Kwon-taek Im |
1993 | Seopyonje La Chanteuse de pansori | Kwon-taek Im |
1994 | Taebaeksanmaek [La Chaîne de montagne Taebaek] | Kwon-taek Im |
1996 | Chugje [Festival] | Kwon-taek Im |
1997 | Chang [Chang la prostituée] | Kwon-taek Im |
1999 | Chunhyang Le Chant de la fidèle Chunhyang | Kwon-taek Im |
2001 | Chihwaseon Ivre de femmes et de peinture | Kwon-taek Im |
2003 | Haryu insaeng La Pègre | Kwon-taek Im |
2006 | Cheon-nyeon-hak Souvenir | Kwon-taek Im |
2010 | Dalbit gireoolligi [Papier traditionnel coréen] | Kwon-taek Im |
2014 | Hwa-jang Revivre | Kwon-taek Im |
1970 | Wolha-ui geom [L'Epée sous la lune] | Kwon-taek Im |
1997 | Chang [Chang la prostituée] | Kwon-taek Im |
2001 | Chihwaseon Ivre de femmes et de peinture | Kwon-taek Im |
2003 | Haryu insaeng La Pègre | Kwon-taek Im |
2006 | Cheon-nyeon-hak Souvenir | Kwon-taek Im |
2010 | Dalbit gireoolligi [Papier traditionnel coréen] | Kwon-taek Im |
1987 | Yeonsan-ilgi [Chronique du roi Yonsan] | Kwon-taek Im |