Formation
Petit-fils de peintre et fils de photographe, Philippe de Broca intègre l'École Technique de Photographie et de Cinéma de la rue de Vaugirard, dont il est diplômé en 1953. Il accompagne ensuite, en qualité d'opérateur, une expédition des camions Berliet dans une traversée nord-sud de l'Afrique. Mais il quitte le groupe en cours de route et parcourt pendant un an le continent africain avec sa caméra. De retour en France, il réalise des films industriels puis effectue son service militaire au Service Cinématographique des Armées, en Allemagne puis en Algérie comme reporter d'actualités. Ce séjour à l'armée est pour lui une très bonne école. Il se rode à la mise en scène et apprend véritablement à filmer. Pendant la guerre d'Algérie, Philippe de Broca suit les opérations militaires pour les Actualités Françaises et tourne des films d'instruction pour les recrues.
Carrière au cinéma
Cinéaste "populaire" selon sa propre définition, Philippe de Broca a créé un univers très personnel, mélange subtil de légèreté, d'humour et de gravité mélancolique.
En 1957, Philippe de Broca devient assistant réalisateur pour Henri Decoin, puis rencontre les futurs cinéastes de la Nouvelle Vague, alors critiques aux Cahiers du cinéma. Il sera l'assistant des premiers films de Claude Chabrol (Le Beau Serge (1957), Les Cousins (1958) et de François Truffaut (Les Quatre cents coups (1958). Ses compétences techniques sont précieuses pour ces jeunes réalisateurs inexpérimentés venus de la presse écrite. Financé par Claude Chabrol, il tourne son premier long métrage en 1959, Les Jeux de l'amour. Il engage un jeune acteur repéré au théâtre, Jean-Pierre Cassel, avec lequel il enchaîne en 1960 deux autres longs métrages, Le Farceur et L'Amant de cinq jours. Avec Un Monsieur de compagnie, tourné en 1964, ces trois premiers films définissent d'emblée l'univers de Philippe de Broca et le style qui donnera à toute son oeuvre sa coloration particulière : une légèreté de ton empreinte d'une certaine gravité, pour des comédies sentimentales que le compositeur Georges Delerue saura merveilleusement habiller de mélancolie. Le Roi de coeur (1966) appartient pleinement à cette veine, malgré sa tonalité plus sombre. Réquisitoire contre l'absurdité de la guerre, le film est un échec commercial. Avec son élégance et son raffinement, Jean-Pierre Cassel incarne parfaitement le héros "debroquien" : un personnage rêveur, aérien, sans cesse en mouvement, désirant échapper à la pesanteur des contingences terrestres, sociales et morales. Sorte de double cinématographique du cinéaste, ce héros va connaître tout au long de la carrière de De Broca plusieurs déclinaisons : au Cassel des premiers films, virevoltant et chorégraphique, à la poursuite d'un bonheur qui se dérobe sans cesse, succède en 1963, dans L'Homme de Rio (immense succès populaire) un personnage intrépide et acrobatique, incarné avec humour et désinvolture par Jean-Paul Belmondo. Puis, la maturité venant, c'est Jean Rochefort qui va personnifier le héros debroquien, tout en mouvement et en fantaisie : dans Le Cavaleur en 1978, l'acteur tient le rôle d'un idéaliste doux et rêveur. Philippe Noiret sera aussi l'un des doubles du cinéaste, dans Les Caprices de Marie (1969), puis dans les grandes comédies populaires des années 1970 que sont Tendre poulet (1977) et On a volé la cuisse de Jupiter (1979). L'acteur incarne le même personnage épicurien, mais que le passage du temps a assagi et rendu plus philosophe.
L'univers de Philippe de Broca est toutefois un univers essentiellement masculin : les femmes, même si elles sont très présentes, sont rarement au centre du récit. À quelques exceptions près (comme Chère Louise en 1971 avec Jeanne Moreau), le héros est toujours un homme, entourés de multiples figures féminines, appartenant souvent à des générations différentes. Les films de de Broca ont pour la plupart des distributions éblouissantes. Le réalisateur s'entoure de pléiades d'acteurs souvent très populaires. Leurs partitions individuelles se combinent dans un grand ensemble choral, comme dans Le Diable par la queue (1968), avec Yves Montand, Madeleine Renaud, Jean Rochefort ou Jean-Pierre Marielle, ou dans des duos tumultueux comme Tendre poulet (1977) (Philippe Noiret / Annie Girardot) ou L'Africain (1982) (Noiret / Catherine Deneuve).
Philippe de Broca a aussi réalisé des films d'aventure. L'Homme de Rio en 1963 inaugure le genre, avec Belmondo en "homme ordinaire" entraîné malgré lui dans des aventures extraordinaires. Avec le même acteur, de Broca tourne en 1965 Les Tribulations d'un Chinois en Chine d'après Jules Verne, un film étourdissant qui mêle sur un rythme trépidant aventures, fantaisie et exotisme. En 1973, ils se retrouvent encore pour Le Magnifique : le personnage principal, auteur de romans d'espionnage, devient le maître d'oeuvre du récit, multipliant au gré de sa fantaisie les allers-retours entre fiction et réalité. Puis de nouveau pour L'Incorrigible (1975) dans lequel Belmondo tient le rôle d'un escroc sympathique. Dans les années 1980 et 1990, Philippe de Broca continue de tourner des comédies d'aventures exotiques : L'Africain en 1982 avec Philippe Noiret et Catherine Deneuve, ou Amazone en 1999 avec Jean-Paul Belmondo. Mais son inspiration marque alors un certain essoufflement.
Philippe de Broca a également réalisé quelques grandes fresques historiques : Cartouche (1961), interprété par Jean-Paul Belmondo et Claudia Cardinale, mêlant lyrisme et tragédie, qui apporte d'ailleurs au cinéaste son premier succès commercial. En 1987, de Broca tourne Chouans ! avec Philippe Noiret et Sophie Marceau en vedettes. Le film ne reçoit qu'un accueil mitigé, mais le cinéaste renoue avec le public en 1997 avec l'adaptation du roman de cape et d'épée de Paul Féval dans Le Bossu, qui voit s'affronter un Daniel Auteuil plein de fougue et un Fabrice Luchini sournois et dissimulateur.
Tout au long de sa carrière, Philippe de Broca a été d'une grande fidélité à ses comédiens et à ses techniciens. Il a eu comme compagnons de route le scénariste Daniel Boulanger, le directeur de la photographie Jean Penzer et le compositeur Georges Delerue. Les Films Ariane, leur fondateur Alexandre Mnouchkine et le producteur Georges Dancigers ont régulièrement accompagné sa carrière.
En 2004, de Broca tourne une nouvelle adaptation littéraire, Vipère au poing d'après Hervé Bazin, avec Jacques Villeret et Catherine Frot dans le rôle de la tyrannique Folcoche. Ce sera son dernier film. Le réalisateur décède d'un cancer en novembre 2004. Sa tombe à Belle-Île en Bretagne porte comme épitaphe : "J'ai bien ri".
Autres activités
Dans les années 1990, Philipe de Broca se tourne vers la télévision pour laquelle il réalise une dizaine de téléfilms, parmi lesquels Regarde-moi quand je te quitte (1993) ou Madame Sans-gêne (2002).
Prix
- Prix pour l'ensemble de l'oeuvre, 2003 au Internationales Filmfest Oldenburg