Formation
Anaïs Romand se forme à la restauration d'oeuvres d'art à Rome entre 1976 et 1979. De retour à Paris, alors qu'elle travaille avec une équipe de peintres décorateurs italiens, elle est présentée à Ezio Frigerio et Franca Squarciapino, un couple de décorateurs, scénographes et costumiers de théâtre et d'opéra. Cette rencontre est décisive pour la jeune femme. Elle lui permet de renouer avec sa passion originelle pour la création de costumes, " un métier de rêve " qui lui semblait hors de portée. Elle devient l'assistante de Franca Squarciapino et apprend à ses côtés les techniques de fabrication et de montage des costumes, en participant à plusieurs spectacles de théâtre et d'opéra entre 1987 et 1995. C'est au théâtre qu' Anaïs Romand comprend que la dramaturgie d'un film est très liée aux costumes et que ceux-ci participent étroitement à " construire une image globale " de l'oeuvre.
Carrière au cinéma
Récompensée par trois Césars, Anaïs Romand a créé les costumes de plusieurs films d'auteur et travaillé sur beaucoup de films historiques .
La carrière au cinéma d' Anaïs Romand débute lorsqu'elle intègre l'équipe dirigée par la costumière Catherine Leterrier sur le long métrage de Robert Enrico, La Révolution Française, réalisé à l'occasion du bicentenaire de la Révolution en 1989. Chargée de l'atelier " tissus, teintures, couleurs et motifs décoratifs ", elle doit rassembler une importante documentation historique. Après plusieurs autres collaborations, Anaïs Romand signe en 1992 sa première oeuvre au cinéma en tant que créatrice de costumes, Les Derniers jours d'Emmanuel Kant de Philippe Collin. Se sentant parfois encore illégitime, car sans formation théorique initiale, elle aiguise son regard par une fréquentation assidue des cinémas. Elle s'absente un temps des écrans pour poursuivre son métier au théâtre, où elle apprécie le respect apporté à sa profession, considérée comme partie intégrante de l'équipe artistique.
C'est avec Les Destinées sentimentales d'Olivier Assayas, un travail intense de huit mois pour lequel elle mobilise toute son expérience et ses connaissances, qu'Anaïs Romand s'impose dans le monde du cinéma. Elle collaborera avec ce cinéaste à de nombreuses reprises, pour Demonlover en 2001, Clean en 2003, Boarding gate en 2006 ou L'Heure d'été en 2007.
Ce film est un tournant. Anaïs Romand s'oriente vers le cinéma d'auteur, tissant des liens privilégiés avec certains réalisateurs comme Bertrand Bonello ou Guillaume Nicloux, dont elle aime l'oeuvre protéiforme. Pour ce dernier, Anaïs Romand crée les costumes de plusieurs films, parmi lesquels La Clef (2006), Valley of love (2014), ou Les Confins du monde (2017).
En 2010, elle signe les costumes de L'Apollonide, souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello, qui lui vaut un César en 2012. Pour ce film ambitieux qui se déroule à l'orée du XXe siècle dans l'intimité d'un bordel, " un petit théâtre du fantasme ", le cinéaste souhaitait que les douze " pensionnaires " aient à l'écran la même importance. Un enjeu spécifique pour la costumière : savoir " habiller leur nudité ". Elle crée pour chaque prostituée un corset d'un style particulier qui révèle sa personnalité, après de longues recherches sur les matières, les tissus (mousselines, dentelles et broderies), et sur les accessoires (bijoux, rubans...). Anaïs Romand s'inspire pour les couleurs et l'ambiance des peintres impressionnistes contemporains de l'action, en particulier de Manet, dont la " manière de traiter la couleur avec du noir a été vraiment une source ".
Avec Saint-Laurent de Bertrand Bonello (2013), la costumière relève un autre défi : recréer certaines collections de haute couture mythiques du grand couturier sans avoir accès aux archives de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, qui lui a préféré le biopic de Jalil Lespert, sorti six mois plus tôt. Paradoxalement, cette absence de soutien officiel va favoriser sa liberté de création. Dans le strict respect de l'oeuvre de Saint Laurent, Anaïs Romand confectionne des répliques de haute couture, notamment pour les deux défilés de mode présentés dans le film : La collection 40 (Printemps-Été 1971, intégralement réalisée à la main), et Opéra-Ballets Russes (Automne-Hiver 1976). En tout une trentaine de costumes avec leurs accessoires. Il faut aussi réaliser toute une gamme de prêt-à-porter. Anaïs Romand et son équipe conçoivent une garde-robe pour chaque personnage, dans laquelle ils intègrent des pièces authentiques prêtées par un collectionneur passionné, Olivier Châtenet. Ce travail, réalisé à partir d'une documentation très riche (photos de presse, croquis, catalogues d'exposition...) permet d'inscrire ces costumes dans les années 1970, sans être une copie exacte de l'époque. Au final, les costumes sont vivants et fidèles à l'apport révolutionnaire d'Yves Saint Laurent : casser des codes vestimentaires figés et libérer les femmes en leur permettant de bouger dans leurs vêtements, tout en ayant de l'allure.
Anaïs Romand remporte un troisième César pour La Danseuse de Stéphanie Di Giusto (2015), en habillant la chanteuse Soko dans le rôle de Loïe Fuller, célèbre pour les voiles qu'elle faisait tournoyer dans ses chorégraphies de " danse serpentine ". Pendant six mois, la costumière a travaillé en étroite collaboration avec la danseuse et chorégraphe Jody Sperling pour mettre au point la tunique très technique composée de 80 m de soie attachée à des bouts de bois.
En 2017, avec Un peuple et son roi de Pierre Schoeller, Anaïs Romand habille 118 rôles et de nombreux figurants devant représenter au plus près le peuple anonyme de Paris durant la Révolution Française. Son atelier fabrique alors une " grande collection de prêt-à-porter du XVIIIe siècle ", à partir de dessins et de gravures de l'époque, ainsi que de livres de sociologues et d'historiens. Seuls les costumes de l'aristocratie et de la Cour ont été loués. La costumière, qui a créé beaucoup de " costumes d'époque " affirme pourtant que vouloir rechercher la vérité historique est un piège. Même si son travail se nourrit de recherches iconographiques poussées et se base sur les travaux d'historiens du vêtement pour avoir les bonnes coupes, les bonnes formes, les matériaux qui s'approchent au plus près, elle ne fait pas une oeuvre d'archiviste. " On ne copie pas, on s'inspire " affirme-t-elle. Les acteurs doivent être crédibles et ne pas paraître costumés. Mais on fait toujours le film de son époque ". Son travail porte avant tout sur la dramaturgie du film et cherche à traduire la vision d'un cinéaste. Il en est de même pour les films plus contemporains (comme La Douleur d'Emmanuel Finkiel réalisé en 2016).
Autres activités
Anaïs Romand est aussi créatrice de costumes pour le théâtre et l'opéra. Au théâtre, elle travaille régulièrement avec Pascal Rambert, auteur, metteur en scène et directeur de théâtre. Elle est sa collaboratrice en 2017 pour Une Vie, un texte écrit pour les comédiens de la Comédie-Française, pièce créée au Théâtre du Vieux Colombiers à Paris. De même pour Actrice, pour les acteurs du Théâtre d'Art de Moscou que Pascal Rambert met en scène en France le 12 décembre 2017 au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris.
Anaïs Romand a aussi travaillé pour la télévision : pour Il était une seconde fois, mini-série réalisée par Guillaume Nicloux et diffusée sur Arte, par exemple. Grande connaisseuse de la Belle Époque (1880-1914), elle crée les costumes de la série Paris Police 1900, diffusée sur Canal+ en 2021.
Longs métrages
en tant que : Décorateur
 1993 | Du fond du coeur | Jacques Doillon |
en tant que : Costumier
| 1992 | Derniers jours d'Emmanuel Kant (Les) | Philippe Collin |
| 1993 | Du fond du coeur | Jacques Doillon |
| 1998 | Enfants du siècle (Les) | Diane Kurys |
| 1999 | Destinées sentimentales (Les) | Olivier Assayas |
| 2001 | Demonlover | Olivier Assayas |
| 2002 | France boutique | Tonie Marshall |
| 2003 | Clean | Olivier Assayas |
| 2004 | Zaïna, cavalière de l'Atlas | Bourlem Guerdjou |
| 2006 | Boarding gate | Olivier Assayas |
| 2006 | Clef (La) | Guillaume Nicloux |
| 2006 | Une vieille maîtresse | Catherine Breillat |
| 2007 | Cinéman | Yann Moix |
| 2007 | Heure d'été (L') | Olivier Assayas |
| 2007 | Un coeur simple | Marion Laine |
| 2008 | Autre (L') | Patrick Mario Bernard, Pierre Trividic |
| 2009 | Quartier lointain | Sam Garbarski |
| 2010 | Apollonide, souvenirs de la maison close (L') | Bertrand Bonello |
| 2010 | Holiday | Guillaume Nicloux |
| 2010 | Let my people go ! | Mikael Buch |
| 2011 | Fleur de l'âge (La) | Nick Quinn |
| 2011 | Holy Motors | Leos Carax |
| 2012 | Bird people | Pascale Ferran |
| 2012 | Religieuse (La) | Guillaume Nicloux |
| 2013 | Enlèvement de Michel Houellebecq (L') | Guillaume Nicloux |
| 2013 | Nuits d'été (Les) | Mario Fanfani |
| 2013 | Saint-Laurent | Bertrand Bonello |
| 2014 | Anarchistes (Les) | Elie Wajeman |
| 2014 | Journal d'une femme de chambre | Benoît Jacquot |
| 2014 | Valley of love | Guillaume Nicloux |
| 2015 | Danseuse (La) | Stéphanie Di Giusto |
| 2015 | End (The) | Guillaume Nicloux |
| 2015 | Planetarium | Rebecca Zlotowski |
| 2015 | Secret des banquises (Le) | Marie Madinier |
| 2016 | Douleur (La) | Emmanuel Finkiel |
| 2016 | Gardiennes (Les) | Xavier Beauvois |
| 2017 | Confins du monde (Les) | Guillaume Nicloux |
| 2017 | Un peuple et son roi | Pierre Schoeller |
| 2019 | De Gaulle | Gabriel Le Bomin |