Marlen Khoutsiev
Réalisateur

Naissance
04 octobre 1925 à Tbilissi (Géorgie, ex-URSS)
Décès
19 mars 2019 à Moscou (Russie)

Formation

Né quelques années après la Révolution russe, Marlen Khoutsiev (son prénom est l'acronyme de Marx et de Lénine) est diplômé en 1952 de la célèbre faculté de cinéma VGIK de Moscou (Institut supérieur cinématographique d'État). Il commence à travailler aux Studios d'Odessa en 1953, puis rejoint le Gorki Film Studio à Moscou en 1959, et à partir de 1965 les studios Mosfilm, la grande société de production cinématographique fondée à Moscou en 1920 après la nationalisation des moyens de production soviétiques.

Carrière au cinéma

Figure centrale du cinéma russe, méconnu hors de son pays, Marlen Khoutsiev incarne avec force le courant des "Films du Dégel" qui a suivi le XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique et les débuts de la déstalinisation en 1956.
L'année 1956 marque le début de la carrière de Marlen Khoutsiev. L'arrivée à la direction de L'URSS de Nikita Khrouchtchev en tant que Premier Secrétaire du Comité central du Parti communiste, après la mort de Staline en 1953, semble apporter un souffle de liberté. Marlen Khoutsiev participe avec passion au courant dit "des Films du Dégel" qui reflète l'esprit d'ouverture du début de la déstalinisation du pays et un nouveau départ plein d'espoir du cinéma russe. Son premier long métrage, coréalisé en 1956 avec Felix Mironer et produit par les Studios d'Odessa, s'intitule Le Printemps dans la rue Zaretchnaia. À travers l'histoire d'une jeune enseignante venue former les ouvriers d'une usine de métallurgie, le cinéaste décrit la vie quotidienne dans un faubourg surpeuplé, décrivant avec lyrisme un paysage industriel pourtant sinistre en de longs mouvements de caméra que les critiques qualifieront de "paysages sentimentaux". Ce film s'affranchit du "réalisme socialiste", doctrine officielle dans le domaine de l'art prônée par le gouvernement soviétique depuis le milieu des années 1930. Marlen Khoutsiev fait vivre à l'écran des personnages complexes qui sont en rupture avec l'archétype du héros positif et collectif mis en valeur jusqu'alors par le cinéma soviétique. Également tourné aux Studios d'Odessa, le second long métrage de Marlen Khoutsiev, Les Deux Fédor (1958) appartient à la même veine humaniste et artistique : Un jeune russe démobilisé revient chez lui après la Seconde Guerre mondiale et rencontre un jeune garçon sans abri, comme lui prénommé Fédor, avec lequel il construit une amitié qui sera mise en péril par l'arrivée d'une femme dont il tombe amoureux. Avec cette vision pessimiste de la reconstruction du pays après la victoire sur le fascisme, qui refuse d'enjoliver le quotidien et oblitère le passé glorieux de l'URSS, le cinéaste se détourne de nouveau de la ligne idéologique du Parti. Ses personnages ne sont pas des incarnations du devoir et de l'optimisme forcé, mais des hommes et des femmes qui réfléchissent au sens à donner à leur vie.
Le troisième film de Marlen Khoutsiev sera son oeuvre emblématique : La Porte d'Ilytch (1962) est le film d'une génération, celle des années 1960, qui avait cru possible le retour à la vocation originelle de la Révolution soviétique et à une ouverture sur le monde. Le film évoque d'ailleurs les cinéastes de la Nouvelle Vague par sa liberté de style et de ton et son tournage réalisé en extérieurs à Moscou. Il fait le portrait d'une jeunesse désenchantée, orpheline d'un "socialisme à visage humain". Il met en scène, à l'époque de la déstalinisation, les déambulations et les interrogations existentielles de trois jeunes hommes dont les pères sont morts au cours de la Seconde Guerre mondiale, en luttant contre l'envahisseur allemand. Le dialogue imaginaire entre un fils et son père mort à 21 ans, est l'un des grands moments poétiques du film. Mais dans les années 1960, il évoquait aussi d'autres pères disparus, comme celui du cinéaste lui-même, victime des grandes purges politiques de 1937. Tourné entre 1960 et 1961, achevé en 1962, La Porte d'Ilytch est aussitôt violemment critiqué par les autorités politiques pour son défaitisme, son absence d'idéal et son "immoralité". Il est rapidement censuré par Nikita Khrouchtchev qui exige un nouveau montage. Khoutsiev doit en partie retourner et remonter le film, qui sort finalement en 1965 (après la chute de Khrouchtchev), dans une version raccourcie et mutilée, sous un autre titre, J'ai vingt ans. Il ne sera rétabli dans sa version originelle qu'en 1988. Après ce scandale qui concourt néanmoins à sa notoriété, Khoutsiev réalise en 1966 Pluie de juillet, produit par Mosfilm. C'est un drame intimiste dans lequel une femme s'interroge sur le sens de sa vie après une rupture sentimentale. Dans une exploration psychologique, le cinéaste exprime avec mélancolie son désenchantement et la dévalorisation des idéaux qui vont caractériser les années Brejnev. Le film n'est pas censuré, mais, accusé de véhiculer des idées "bourgeoises", sa distribution en salle restera limitée et son auteur est banni des studios d'État.
Marlen Khoutsiev se réfugie à la télévision pour laquelle il réalise notamment en 1970 C'était le mois de mai, qui montre que son auteur n'a rien perdu de sa radicalité. S'ouvrant sur un montage d'archives d'une grande puissance visuelle, le film interroge l'héritage de la génération qui a vécu la guerre, à travers la découverte par des soldats soviétiques d'un camp de concentration près de la ferme allemande où ils sont installés au lendemain de la victoire. Après quelques téléfilms à la diffusion restreinte, Khoutsiev tourne en 1984 une autre oeuvre majeure, rarement projetée, Postface, un film intimiste qui parle des relations entre un jeune intellectuel moscovite et son beau-père et livre une nouvelle variation sur le rapport entre générations et les traces du passé dans le présent. Viendra ensuite en 1992 Infinitas, une oeuvre très personnelle, sorte de journal intime dans laquelle un homme part en voyage sur les lieux de sa jeunesse pour faire le bilan de sa vie et de son rapport au monde. Au cours des années 2000, Marlen Khoutsiev réalise deux documentaires.
Cinéaste rare, (il n'a tourné qu'une dizaine de films en 60 ans, essentiellement en noir et blanc), aucun des films de Marlen Khoutsiev n'a connu de sortie commerciale en France. Son oeuvre n'est connue hors de son pays que par les festivals et les rétrospectives consacrés au cinéma russe. Le Festival international du film de La Rochelle lui a rendu un hommage en 2003.

Autres activités

Pendant ses années de "disgrâce", Marlen kKhoutsiev se tourne vers l'enseignement. Il devient l'un des professeurs les plus estimés du VGIK, la prestigieuse faculté d'études cinématographiques de Moscou, où il avait fait ses études.

Prix

Ouvrages

Périodiques

Longs métrages

en tant que : Réalisateur

1956Vesna na Zaretchnoi oulitse
[Le Printemps dans la rue Zaretchnaïa]
Marlen Khoutsiev, Feliks Mironer
1958Dva Fjodora
[Les Deux Fedor]
Marlen Khoutsiev
1963Mne dvadtsat' let
[J'ai vingt ans]
Marlen Khoutsiev
1966Iyoulski dojd
[Pluie de juillet]
Marlen Khoutsiev
1970Byl messiats maï
[C'était le mois de mai]
Marlen Khoutsiev
1971Alyy parus Parizha
[Le Voile rouge de Paris]
Marlen Khoutsiev
1974I vsyo-taki ya veryu...
[Et malgré tout, je crois]
Mikhaïl Romm, Elem Klimov, Marlen Khoutsiev
1984Posleslovie
[Postface] = [Epilogue]
Marlen Khoutsiev
1991Beskonecnost'
[Infinitas]
Marlen Khoutsiev
2001Lyudi 1941 goda Marlen Khoutsiev
2013Venice 70 : Future Reloaded : In perpetuum infinituum Marlen Khoutsiev