Après une formation de plasticienne aux Beaux-Arts, Mimi Lempicka conjugue sa passion pour la peinture et son goût pour la narration en imaginant des " panoplies ", ensembles de costumes, accessoires et objets reliés à des personnages dont ils racontent l'histoire. En 1984, dans le cadre du " Marathon d'écriture " d'Avignon, elle propose une " écriture-couture ", performance de 3 jours en continu, qui décrit, au travers de costumes et d'objets, l'aventure d'une exploratrice partie pour un monde inconnu. Son succès lui apporte le soutien de sponsors et la notoriété dans le milieu artistique. Mimi Lempicka développe son concept des " panoplies ", comparant les objets à des mots et leur mise en scène à une syntaxe. En 1987, à l'occasion de l'exposition d'une nouvelle panoplie, " la Spéléonaute ", exploratrice sous-marine et femme-grenouille dont elle réinvente la tenue (guêpière, palmes et bas), tous éléments réalisés en Néoprène, elle rencontre Luc Besson, séduit par ses créations.
Mimi Lempicka, créatrice de costumes des plus originales et inventives, attachée au cinéma d'auteur, a marqué de son style plusieurs films-culte du cinéma français.
Pour Le Grand bleu de Luc Besson, sa première incursion au cinéma, Mimi Lempicka imagine des combinaisons de plongée dans des gammes de couleurs vives qui affirment le caractère des personnages : un bleu pur et lumineux pour Jean-Marc Barr, qui s'accorde avec la douceur poétique et l'idéalisme du personnage de Jacques Mayol. Pour Jean Reno (Enzo Molinari), à l'esprit de compétition aiguisé, elle crée une tenue qui reprend les couleurs du drapeau italien. Leurs silhouettes au caractère graphique affirmé évoquent les oeuvres des peintres constructivistes russes.
En 1989, Mimi Lempicka retrouve Luc Besson pour Nikita. Dans ce thriller noir, les costumes reflètent les transformations radicales de l'héroïne (Nikita/Anne Parillaud) : partant d'une loubarde toxicomane et meurtrière, elle évolue vers la sophistication d'un agent des services secrets qui doit endosser de multiples identités. Un blouson perfecto usé à l'extrême, de lourds rangers et un pantalon de toile défraichi symbolisent ses années de délinquance. Nikita s'en défait petit à petit au centre pénitentiaire, au cours d'une renaissance encadrée par son mentor Bob (Tchéky Karyo), que Mimi Lempicka imagine comme une sorte de James Bond à l'élégance discrète et immuable. Sur ce film, Mimi rencontre Jeanne Moreau dont elle devient l'une des costumières attitrées, instituant avec l'actrice un échange durable et créatif.
Avant de chercher la documentation nécessaire au film (dans des livres, des expositions, des photographies ou des tableaux...) pour construire ses références visuelles, Mimi Lempicka effectue plusieurs lectures du scénario, dialogue avec le réalisateur pour cerner au plus près sa vision et explorer la psychologie des personnages. Puis elle crée des maquettes pour fixer sa pensée : ce sont ses " mood-boards ", planches de grand format réunissant toutes ses inspirations et dégageant pour chaque personnage une évolution matérialisée par des changements de costumes, des couleurs et des patines. Elle imagine ainsi pour chacun d'eux une " valise " de costumes avec lesquels il peut " partir dans le film ". L'essayage avec les acteurs est un moment essentiel qui permet à ceux-ci de prendre possession de leur personnage. Le travail de Mimi Lempicka aboutit à la réalisation de " carnets " au format A5, chartes visuelles et outils de communication avec l'équipe technique et artistique, reprenant l'évolution de chaque personnage à travers ses costumes, élément narratif et reflet de son identité.
Mimi Lempicka aborde l'univers de la science-fiction avec Immortel d'Enki Bilal (2002), adaptation de deux bandes dessinées du même auteur. Elle crée les costumes des personnages réels, mais aussi ceux des personnages numériques ou hybrides, mutants, envisagés comme des acteurs réels, fidèles à l'imaginaire graphique de Bilal et mélangeant des matériaux aussi divers que le cuir, le néoprène-jersey ou le caoutchouc opaque ou transparent.
Pour le premier film de l'auteur de bandes dessinées Riad Sattouf, Les Beaux gosses (2008), Mimi Lempicka recherche une référence visuelle-clé unique pour chaque personnage principal, afin de lui créer une identité forte, comme une sorte de logo identifiable tout au long du film. Elle applique le principe du costume unique (ici à base de codes-couleur) pour distinguer les différentes tribus de collégiens.
Pour Cloclo de Florent Emilio Siri (2011), avec Jérémie Renier dans le rôle-titre, Mimi Lempicka conçoit pour l'acteur une soixantaine de costumes, tous fabriqués en atelier, pour s'accorder au rythme effréné de la vie du chanteur et créer un personnage très graphique et mobile, avec pas moins de 60 changements de costumes. C'est sur un autre film de Florent Emilio Siri, L'Ennemi intime (2006) que Mimi Lempicka rencontre Albert Dupontel, avec qui elle inaugure une collaboration fructueuse en 2012 avec Neuf mois ferme. Elle apprécie ses personnages forts, son rythme et son ton burlesque. Au revoir là-haut, autre film d'Albert Dupontel (2016) vaut à Mimi Lempicka le César des meilleurs costumes en 2018. La costumière a puisé son inspiration à de multiples sources : picturales d'abord, pour le personnage d'Edouard Péricourt, (Nahuel Pérez Biscayart). Proche des portraits du peintre Amedeo Modigliani ou de ceux du Picasso des périodes bleue et rose. Sa silhouette gracieuse et élancée évoque aussi celle du poète Jean Cocteau. Le personnage d'Albert Maillard (Albert Dupontel), quant à lui, renvoie à la figure maladroite, fragile et poétique de l'acteur américain Buster Keaton. Louise (Héloïse Balster), la petite fille qui partage leur vie, est la petite soeur du Kid de Charlie Chaplin (1919). C'est un 1920 légèrement décalé, et intemporel : Albert Dupontel imaginait un film " moderne ". Les teintes des autochromes (photographies en couleurs sur plaques de verre), réalisés au début du XXe siècle par le banquier et philanthrope voyageur Albert Kahn, sont une source d'inspiration primordiale. Des tenues militaires bleu horizon de La Première Guerre mondiale sont reproduites et patinées. Les costumes des personnages de Pradelle (Laurent Lafitte) et Madeleine Péricourt (Emilie Dequenne) sont à la pointe de la mode des années 1920, pour asseoir leur position sociale. Fidèle à Albert Dupontel, Mimi Lempicka crée en 2019 les costumes du film Adieu les cons. Le trio constitué par les personnages principaux traverse tout le film avec un costume unique. Leurs silhouettes graphiques et chromatiques sont bien identifiables. Comme souvent, Mimi Lempicka a recherché une certaine intemporalité dans les costumes.
Mimi Lempicka travaille aussi pour le théâtre. Pour la télévision, elle crée les costumes des Rois maudits (réalisée par Josée Dayan d'après l'oeuvre de Maurice Druon et diffusée sur France 2 en 2005), pour laquelle elle imagine avec Jeanne Moreau les tenues et les bijoux extravagants de son personnage, Mahaut d'Artois. Parmi les 1500 costumes de la série, Mimi Lempicka crée la tenue néo-rock en cuir rouge et métal de Robert d'Artois (Philippe Torreton) et celles de tous les figurants, traités selon son principe du " costume unique ", définissant des groupes homogènes, vivants et graphiques. Elle crée les costumes de la série Le Bureau des légendes (créée par Éric Rochant et diffusée sur Canal+ en 2015) et de The Eddy, série américaine créée par Jack Thorne et sortie en 2020 sur Netflix. Mimi Lempicka participe aussi à des films publicitaires.
Elle a été faite Chevalier de la Légion d'honneur en 2018.
1987 | Grand bleu (Le) | Luc Besson |
1988 | Moitié-moitié | Paul Boujenah |
1989 | Nikita | Luc Besson |
1989 | Rendez-vous au tas de sable | Didier Grousset |
1990 | Belle histoire (La) | Claude Lelouch |
1990 | Jesuit Joe | Olivier Austen |
1990 | Pour Sacha | Alexandre Arcady |
1992 | Tout ça pour ça | Claude Lelouch |
1993 | Marmottes (Les) | Elie Chouraqui |
1993 | Neuf mois | Patrick Braoudé |
1993 | Voleur et la menteuse (Le) | Paul Boujenah |
1994 | Sale gosse | Claude Mouriéras |
1995 | Grand Nord | Nils Gaup |
1995 | Victimes (Les) | Patrick Grandperret |
1995 | XY | Jean-Paul Lilienfeld |
1996 | Amour et confusions | Patrick Braoudé |
1996 | Tonka | Jean-Hugues Anglade |
1997 | Quatre garçons pleins d'avenir | Jean-Paul Lilienfeld |
1998 | Je veux tout | Guila Braoudé |
1998 | Lovers | Jean-Marc Barr |
1999 | Lisa | Pierre Grimblat |
1999 | Too much flesh | Jean-Marc Barr, Pascal Arnold |
1999 | Un ange | Miguel Courtois |
2000 | Being light | Jean-Marc Barr, Pascal Arnold |
2000 | Cet amour-là | Josée Dayan |
2000 | Harrison's flowers | Elie Chouraqui |
2001 | Blanche | Bernie Bonvoisin |
2002 | Immortel | Enki Bilal |
2002 | Père et fils | Michel Boujenah |
2004 | Iznogoud | Patrick Braoudé |
2005 | Chacun sa nuit | Pascal Arnold, Jean-Marc Barr |
2005 | Ô Jerusalem | Elie Chouraqui |
2006 | Ennemi intime (L') | Florent Emilio Siri |
2006 | Trois amis | Michel Boujenah |
2008 | Beaux gosses (Les) | Riad Sattouf |
2009 | American translation | Jean-Marc Barr, Pascal Arnold |
2010 | Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui | Jean-Marc Barr, Pascal Arnold |
2011 | Cloclo | Florent Emilio Siri |
2012 | Neuf mois ferme | Albert Dupontel |
2013 | Avis de mistral | Rose Bosch |
2013 | Un village presque parfait | Stéphane Meunier |
2015 | Asphalte | Samuel Benchetrit |
2016 | Au revoir là-haut | Albert Dupontel |
2016 | Chien | Samuel Benchetrit |
2016 | Coexister | Fabrice Eboué |
2017 | Chant du loup (Le) | Antonin Baudry |
2018 | Un monde plus grand | Fabienne Berthaud |
2019 | Adieu les cons | Albert Dupontel |
2020 | Tom | Fabienne Berthaud |
2021 | A tombeau ouvert | Régis Blondeau |