Formation
Issu d'une famille modeste des Ardennes, il s'installe à Paris pour étudier la peinture et la sculpture avec Jules Dalou, l'un des grands sculpteurs français du XIXe siècle. Ses premiers métiers le conduisent à peindre des éventails et à dessiner des costumes de théâtre, des affiches de théâtre ou des décors. Le monde du théâtre lui ouvre les bras. Il produit des ballets et des pantomimes et connaît la consécration avec des reconstitutions historiques spectaculaires telles que Vercingétorix ou Jeanne d'Arc au Théâtre de l'Hippodrome en 1900. Engagé par Gaumont en 1905, il devient décorateur et assistant réalisateur d'Alice Guy sur plusieurs films dont Esméralda (1906), La Vie du Christ (1906) - pour lequel il dirige des centaines de figurants - et Descente dans les mines de Fumay (1906), réalisé sur les lieux mêmes de son enfance. Après un scandale sexuel étouffé - une figurante l'accuse de gestes déplacés -, Jasset quitte la Gaumont et collabore à plusieurs maisons de production avant de devenir directeur artistique de la toute jeune société L'Eclair.
Carrière au cinéma
Maître incontesté et pionnier du serial, Victorin Jasset a inventé quelques-uns des archétypes les plus populaires du cinéma muet, au premier rang desquels l'intrépide Nick Carter et l'impitoyable Zigomar. En quelques années seulement avant sa mort prématurée, il explore tous les genres du cinéma d'aventure et d'action - policier, espionnage, film de pirates ou fantastique - à travers des séries au succès foudroyant, sans pour autant s'interdire de toucher à des sujets plus " nobles " : adaptations littéraires de prestige (Le Capitaine Fracasse, 1909 ; Au pays des ténèbres (d'après Germinal), 1912 ; etc.) ou fresques bibliques (Hérodiade, 1910) et historiques (Après la chute de l'Aigle, 1909).
Ses débuts de metteur en scène chez L'Eclair se font en collaboration avec un vétéran, Georges Hatot, dont les premières réalisations remontent à 1896. Ensemble, durant près de deux ans, ils produisent des dizaines de films, initiant en particulier plusieurs des feuilletons cinématographiques les plus célèbres de leur temps, que ce soit les aventures du détective américain Nick Carter (Nick Carter acrobate, 1909), celles de Morgan le pirate (1909) ou celles du cow-boy Riffle Bill (Riffle Bill, le roi de la prairie, 1908). Le sens de l'espace et du mouvement de Jasset fait merveille dans ces histoires à rebondissements dont Ciné Journal écrit en 1908, à propos de Nick Carter : " Narration simple, poursuites, crimes, arrestations, guet-apens : tout cela convient à merveille au cinéma ".
Après avoir tourné plusieurs films en Afrique du Nord (Dans les ruines de Carthage en 1910 ou La Résurrection de Lazare, id.), les deux associés reprennent leur indépendance. Jasset renoue avec les serials en réalisant les six épisodes des aventures du Docteur Phantom (1910) et surtout en portant à l'écran le maître du crime créé par le romancier populaire Léon Sazie : Zigomar. Dotés de gros budgets, les films qu'il consacre à ce précurseur de Fantômas fourmillent de trouvailles narratives et d'inventions visuelles. Le succès phénoménal des deux premiers épisodes (Zigomar, le roi des voleurs, 1911 ; Zigomar peau d'anguille, 1912) incitent Jasset à creuser cette veine en mettant face à face deux de ses personnages fétiches, le méchant Zigomar et le gentil Nick Carter, avec cet argument publicitaire imparable, repris par un prospectus de l'époque : " C'est clair, Nick Carter fut un énorme succès, Zigomar fut un triomphe ! Les exploitants sont donc sûrs en passant dans leur théâtre Zigomar contre Nick Carter de réaliser le maximum. ".
En juin 1913, alors qu'il vient d'achever le premier serial avec une femme pour héroïne, Protea, et a entamé à Nice l'adaptation des Enfants du capitaine Grant de Jules Verne, Jasset tombe gravement malade et meurt quelques jours plus tard dans un hôpital parisien. Protea, dont il n'est pas certain qu'il ait eu le temps d'assurer le montage, sort en septembre 1913. Le film est un triomphe posthume pour Jasset dont la presse salue l'apport à l'art cinématographique. Quatre autres épisodes des aventures de cette redoutable espionne en collant noir incarnée par l'actrice préférée de Jasset, Josette Andriot (deux ans avant que Musidora ne revête le même costume dans Les Vampires de Feuillade), seront tournés entre 1914 et 1918.
Ouvrages
- Le cinéma français : le muet / sous la dir. de Philippe d'Hugues et Michel Marmin ; avec la collab. de Jean Mitry et Jacques Richard. - Paris : Atlas ; Bruxelles : Atlen ; Mezzovico ; Finabuch : Ed. T
Périodiques
- 1895, n° 12, 1992 - "Eclair 1907-1918"
- Anthologie du Cinéma n° 85, Tome IX, 1975 / Jacques Deslandes
- Cahiers du cinéma n° 19 Hors série, janvier 1995. "Nick Carter, Zigomar, Protéa et les autres..." / Dominique Païni
- Griffithiana vol. XVI n° 47, mai 1993. "Victorin Hippolyte Jasset or the phantom of Epinay" / Philippe Esnault
- Jeune Cinéma n° 333-334, automne 2010. "Josette et Victorin: puissances du cinéma retrouvé" / Lucien Logette
Longs métrages
en tant que : Réalisateur
en tant que : Assistant réalisateur
 1906 | Descente dans les mines de Fumay | Alice Guy |
| 1906 | Esmeralda (La) | Alice Guy |
| 1906 | Naissance, la vie et la mort du Christ = La Vie du Christ (La) | Alice Guy |
en tant que : Scénariste
en tant que : Adaptateur
| 1911 | Au pays des ténèbres : la mine | Victorin Jasset |