Formation
Dès son enfance, une grand-mère cinéphile transmet à Claude Sautet la passion du cinéma.
Après un passage à l'École des Arts Décoratifs en section sculpture, il entre à l'IDHEC, dont il est diplômé en 1949. Il réalise l'année suivante son unique court métrage, Nous n'irons plus au bois, contenant déjà la figure du trio amoureux, qui connaîtra dans son oeuvre de multiples variations. Durant les années 1950, Claude Sautet est assistant-réalisateur sur des long métrages, parmi lesquels Le Dos au mur d'Édouard Molinaro (1957) ou Les Yeux sans visage de Georges Franju (1959). Mais c'est par son talent de scénariste qu'il se fait connaître dans la profession. Claude Sautet devient selon l'expression de François Truffaut un " ressemeleur de scénarios ", appelé pour réécrire des scénarios en difficulté, dont il sait repérer les failles ou étoffer les personnages.
Carrière au cinéma
Souvent qualifié de cinéaste-sociologue de la petite et moyenne bourgeoisie française des années 1970, Claude Sautet est avant tout un peintre des passions humaines.
En 1958, Lino Ventura, avec qui Claude Sautet nouera une profonde amitié, le convainc de passer à la réalisation en adaptant un roman de José Giovanni, Classe tous risques, dont il tiendra le rôle principal. Dans ce polar à la française, nourri de la grammaire formelle des films noirs américains, l'acteur incarne avec son intensité physique particulière un ancien caïd aux abois, au verbe rare et à la sentimentalité fruste. Malgré la qualité de sa mise en scène, le film n'a pas de succès. Les deux hommes se retrouvent en 1964 pour un deuxième long métrage, L'Arme à gauche, un film d'aventure que Sautet conçoit plus comme un exercice de style. Nouvel échec commercial. Claude Sautet, craignant de s'enfermer dans le cinéma d'action, abandonne les tournages et revient à son premier métier d'arrangeur de scénarios.
Mais en 1969, une nouvelle rencontre va décider de son retour à la réalisation : Jean-Loup Dabadie, alors journaliste, lui soumet pour avis un scénario qu'il a écrit d'après un roman de Paul Guimard, Les Choses de la vie. Cette lecture enthousiasme Claude Sautet. En effet, la trame de l'histoire recoupe un projet auquel il pensait depuis longtemps : un homme hésitant entre deux femmes (et entre deux vies). Il décide de terminer l'écriture avec Jean-Loup Dabadie et de réaliser lui-même le film. Ce sera un triomphe. Structuré autour de la fameuse séquence de l'accident de voiture de Michel Piccoli (véritable défi cinématographique, elle comporte 66 plans), le récit prend la forme d'une association libre entre l'inconscient et l'imaginaire du personnage qui est entre la vie et la mort. On a souvent comparé cette construction, fondée sur des flah-backs, à une partition musicale, avec son tempo et ses ruptures de ton. Claude Sautet était en effet un grand amateur de musique classique et de jazz. Pour incarner le couple au centre de l'histoire, le cinéaste choisit deux acteurs qui lui seront longtemps fidèles : Michel Piccoli, son double cinématographique, et Romy Schneider, dans laquelle il voit une femme à la fois rayonnante et meurtrie, loin de ses rôles habituels. Les Choses de la vie ouvre la grande décennie des années 1970 et inaugure une longue complicité avec le compositeur Philippe Sarde et le scénariste Jean-Loup Dabadie.
Sautet fait appel au même duo de comédiens l'année suivante pour Max et les ferrailleurs, autre très grand succès, d'après un roman de Claude Néron. Dans ce film d'une grande noirceur, il explore les mécanismes du pouvoir et de la manipulation, emmenant ses acteurs vers des registres inconnus. En 1972, il inverse le triangle amoureux des Choses de la vie dans César et Rosalie. Romy Schneider est lumineuse dans cette histoire d'une femme hésitant entre deux hommes, tandis qu'Yves Montand incarne un personnage hâbleur et pathétique auquel Sami Frey, doux et discret, offre un parfait contrepoint. Sautet, grand directeur d'acteurs, excelle à révéler au fil de ses films de nouvelles facettes de la personnalité d'acteurs déjà confirmés. En 1974, Vincent, François, Paul et les autres, encore d'après un livre de Claude Néron, est un portrait de groupe. S'attachant à quatre personnages, quatre amis quinquagénaires installés dans la vie, mais en proie au doute, le réalisateur parle avec humour et gravité de la difficulté existentielle, de l'angoisse de vieillir, de l'érosion des sentiments. Il réussit une délicate alchimie entre les trajectoires d'une poignée de personnages et un contexte social clairement délimité, celui des Trente Glorieuses. Car le cinéma de Sautet décrit toujours des personnages intégrés dans des milieux sociaux et professionnels bien définis, dépeints avec justesse. En 1976, vient Mado, co-écrit avec Claude Néron, film que le cinéaste qualifie de fresque noire. La désillusion, le sentiment d'égarement de l'individu dans la société semble y être à son comble, et la faillite du coeur fait écho à la crise sociale. Avec Une histoire simple (1978), Sautet offre à son actrice fétiche, Romy Schneider, un rôle taillé sur mesure, celui d'une femme libre qui choisit son destin. Un mauvais fils (1980), co-écrit avec Daniel Biasini et Jean-Paul Torok, est un face à face douloureux entre un père, ouvrier dur et intransigeant, et son fils, nerveux et fragile, sorti de prison et de retour au domicile familial. Le contraste entre le jeu sobre d'Yves Robert et la tension expressive de Patrick Dewaere donne au film sa grande densité.
Après Garçon ! (1983), qu'il considère comme raté, Claude Sautet connait une période de remise en question. Conscient d'une sorte de décrochage de son cinéma par rapport à l'air du temps, d'un essoufflement de son inspiration, il ne va pas tourner pendant quatre ans. Cette crise donne naissance à une autre période de son oeuvre, qui voit son style s'épurer, se dépouiller, aller vers plus d'abstraction. Un film marque ce renouveau : Quelques jours avec moi (1987), pour lequel Sautet s'entoure de nouveaux scénaristes (Jacques Fieschi et Jérôme Tonnerre) et de nouveaux comédiens (Daniel Auteuil et Sandrine Bonnaire dans les rôles principaux). Entre drame et comédie grinçante, Auteuil incarne un personnage lunaire qui, par amour pour une femme, quitte son indifférence au monde. Avec Un coeur en hiver (1991), Claude Sautet met en scène Emmanuelle Béart et encore Daniel Auteuil, dans le rôle encore plus retenu d'un homme comme retiré en lui-même. Son dernier long-métrage, Nelly et Monsieur Arnaud, en 1994, est une épure bouleversante, un film éminemment personnel. Dans le personnage joué par Michel Serrault, qui camoufle son désespoir derrière le masque d'un nihilisme distingué, difficile de ne pas reconnaître le cinéaste lui-même.
Autres activités
Parallèlement à sa carrière de réalisateur, Claude Sautet est ponctuellement sollicité par d'autres réalisateurs, notamment Philippe De Broca, Yves Boisset ou Bertrand Tavernier pour développer et restructurer des scénarios.
Il est vice-président de la Commission "cinéma" de la SACD (Société des Auteurs), de 1986 à 1991.
Il préside le Jury du Prix Simone-Genevois (récompensant des livres écrits sur le cinéma) de 1988 à 2000.
Prix
- Prix pour l'ensemble de la carrière, 1997 au Festival International du Film (Istanbul)
- Meilleur réalisateur, 1996 au Césars du Cinéma Français pour le film : Nelly et Monsieur Arnaud
- Meilleur réalisateur, 1993 au Césars du Cinéma Français pour le film : Un coeur en hiver