Formation
Après des études en France et aux Etats-Unis, Michèle Rosier embrasse la carrière de journaliste (Les Cahiers de Elle, Le Nouveau Femina, France-Soir...). Elle délaisse la presse écrite pour le stylisme à la fin des années 1950. Pionnière du prêt-à-porter en France, elle dessine pour les marques Chloé et Dorothée Bis, avant de lancer sa propre griffe V de V (" Vêtements de Vacances "), spécialisée en sportswear. En 1966, elle signe des costumes pour Audrey Hepburn pour le film Voyage à deux (Stanley Donen) et surtout la combinaison de parachutiste que porte Raquel Welch dans Une nana nommée Fathom (Leslie H. Martinson).
Carrière au cinéma
Pionnière du cinéma féministe français, réalisatrice d'une oeuvre plutôt confidentielle, Michèle Rosier filme les réalités quotidiennes des femmes avec finesse et clarté.
Cinéaste discrète et généreuse, auteure de six longs métrages en 35 ans (1972-2007), elle apparait, sous la plume du critique Michel Boujut, " portraitiste à pattes d'oiseau qui a toujours su dire et montrer, à travers ses modèles, le frémissement des êtres, leurs déchirements intimes, leurs pulsions et impulsions ".
Michèle Rosier a pour marraine cinématographique la romancière et dramaturge George Sand (1804-1873). Produit en 1972 par les Nouvelles Éditions de Films (NEF) de Louis Malle, George qui ? se veut un portrait passionné, à la fois historique et contemporain, de l'écrivaine, amoureuse et grande figure de l'émancipation féminine. Au côté d'Anne Wiazemsky qui y incarne la femme de lettres se pressent de nombreux amis de la réalisatrice, venus pour la plupart du théâtre et du cinéma d'auteurs (Françoise Lebrun, Bulle Ogier, Roger Planchon, Jean-Pierre Kalfon, Jean-Michel Ribes...), ainsi que le philosophe Gilles Deleuze, dont c'est l'unique apparition au cinéma. Film en costume, George qui ? s'amuse des anachronismes : une 2CV faisant face à une Austin-Mini, un poids lourd, une télévision en arrière-plan ; autant de libertés qui permettent à la réalisatrice d'effectuer une synthèse entre la Révolution de 1848 et les revendications sociétales de mai 1968. Alternance de citations et de dialogues inventés, ce premier essai cinématographique rencontre un succès critique.
La cinéaste signe, six ans plus tard, Mon coeur est rouge (1976), un deuxième portrait de femme, cette fois-ci anonyme et contemporaine, où l'ironie se mêle à l'émotion. Dans ce film féministe, la caméra quasi-documentaire de Bruno Nuytten (également directeur de la photographie pour Marguerite Duras et André Téchiné) suit le quotidien et les rencontres d'une jeune enquêtrice, jouée par Françoise Lebrun. Après une absence de douze ans, Michèle Rosier réalise Embrasse-moi (1988), un portrait tout en tendresse et en émotions d'une fillette de 12 ans en manque d'amour maternel. Oeuvre singulière, pour beaucoup autobiographique, le film dénonce l'égoïsme et l'indifférence des adultes, interprétés ici par Dominique Valadié et Patrick Chesnay. Pendant les années 1990-2000, Michèle Rosier réalise trois films pour le moins confidentiels et peine à renouer avec le succès critique de ses précédents opus. En 1995, elle tourne Pullman Paradis, un road-movie en autocar à travers la Normandie. Promiscuité, visites, moments de détentes et quelques imprévus (un vol, un suicide) rythment le quotidien d'une vingtaine de touristes. Au fil des kilomètres, l'individualisme et l'anonymat qui régnaient au début du voyage s'estompent au profit du sentiment d'appartenance au groupe : une cellule familiale artificielle se crée. Pour la critique, le film souffre d'une suite de dialogues ininterrompus exprimés par des acteurs de théâtre. Trente ans après George qui ?, Michèle Rosier retrouve la fiction historico-littéraire avec une biographie d'André Malraux (1901-1976). Réalisé pour le centième anniversaire de sa naissance, Malraux tu m'étonnes ! (2000) se veut un portrait autant audacieux que rigoureux de l'écrivain et homme politique français. Composée comme un livre d'images, accompagnée d'une voix off omniprésente, la critique juge la mise en scène minimaliste et le film trop long (3h). Ce cinquième long métrage, véritable ouvrage de dame selon les termes du Figaro, oscille entre pédagogie excessive et kitsch. A l'aube de ses 80 ans, Michèle Rosier signe une comédie épicurienne et féministe sur le désir féminin : Ah ! La Libido (2009). Déçues en amour, quatre salariées du journal Libération, d'âges et de conditions socio-économiques différents, s'offrent, pour une seule nuit, les services tarifés de toy-boys rencontrés sur internet. Malicieux mais non scabreux, ce dernier film est diversement accueilli par les critiques.
Approchée sur le tournage de son troisième film (Embrasse-moi) par Nicolas Choffel du Quotidien de Paris, Michèle Rosier résume la ligne directrice qu'elle s'est fait sienne : " c'est à travers un regard de femme que j'observe la réalité. Mais un regard tendre, sur tout ce qui est vivant (...). Dans mes films les constats sont toujours un peu amers, mais je garde une attitude positive sur tout... bien obligée ".
Michèle Rosier réalise deux documentaires (non distribués) : Demain, on court (2003) sur l'écurie de Jean-Paul Gallorini à Maisons-Laffitte et Soraya à Aubervilliers (2014) sur l'histoire et la vie dans cette commune de Seine-Saint-Denis.
L'intégralité des films de Michèle Rosier sont produits par la société Go-Films dirigée par Catherine de Guirchitch. En huit films, Michèle Rosier s'est entourée d'un cercle d'actrices fidèles : Anne Wiazemsky, Geneviève Mnich, Anouk Grinberg, Dominique Valadié et surtout Françoise Lebrun (interprète pour Jacques Baratier, Jean Eustache, Marguerite Duras, André Téchiné ou encore Paul Vecchiali), qui apparaît dans cinq de ses longs métrages.
Autres activités
Entre 1975 et 1982, Michèle Rosier réalise plusieurs émissions et documentaires pour la télévision : Le Futur des femmes (1976), La dame aux oiseaux (1977), sur l'actrice et réalisatrice suédoise Mai Zetterling (Les Amoureux, Jeux de nuit...), Le Grand jour (1978), Mimi (1980), Un café (1980) et Le Gros départ (1982).
Costumière pour le spectacle vivant, elle crée les costumes pour l'opéra Abu Hassan de Michel Rostain (1979) et accompagne les metteurs en scène Michel Vinaver et Alain Françon pour leurs pièces L'Ordinaire (1983) et Les Voisins (1986).