Ronit Elkabetz naît dans le Néguev, région désertique du sud d'Israël, au sein d'une famille modeste d'origine marocaine récemment émigrée. Elle est l'aînée d'une fratrie de quatre enfants dont elle est la seule fille. Jusqu'à l'âge de 25 ans, elle exerce le métier de mannequin. C'est une jeune femme au regard intense et à la beauté envoûtante, dont la longue chevelure sombre contraste avec la peau couleur ivoire. C'est par hasard, en répondant dans la rue à un casting pour ce qu'elle pense être une publicité, qu'elle décroche le rôle principal du film franco-israélien Le Prédestiné de Daniel Wachsmann, tourné en 1990. Bien que n'ayant aucune formation de comédienne, Ronit Elkabetz se fait remarquer d'emblée par la force de sa présence. Cette expérience est une révélation. " Je venais de trouver mon toit ", déclarera-t-elle plus tard.
Au fil d'un parcours hors norme guidé par un engagement politique et social indissociable de son travail de comédienne et de réalisatrice, Ronit Elkabetz a été l'une des figures de proue du nouveau cinéma israélien au début des années 2000 .
Ronit Elkabetz accède rapidement à la notoriété dans le cinéma israélien. Elle y révèle sa personnalité exigeante, introspective, prêtant son talent à des personnages complexes et rebelles. Elle n'hésite pas à prendre des risques en abordant des sujets tabous, comme le statut des femmes dans la société israélienne. Elle est remarquée en Europe pour son rôle dans La Cicatrice de Haïm Bouzaglo (1994), avec Robin Renucci. Elle crève l'écran dans Sh'chur de Shmuel Hasfari (1994), film-événement en Israël, qui projette un regard nouveau sur la place des juifs séfarades dans ce pays, et qui résonne dans l'histoire personnelle de l'actrice. Elle y exprime avec subtilité le mal-être des juifs de la "deuxième génération", nés en Israël, tiraillés entre leur culture d'origine, orientale et traditionnelle, et une modernité occidentale largement façonnée par les fondateurs de l'État hébreu, ashkénazes venus d'Europe centrale et orientale. Ronit Elkabetz enchaîne ensuite les projets, au cinéma, mais aussi au théâtre et à la télévision.
En 1997, alors qu'elle vient de tourner pour Amos Gitai dans Milim (1996), et qu'elle est déjà une star dans son pays, elle choisit de tout quitter. Renonçant à son statut d'actrice célèbre, Ronit Elkabetz s'exile volontairement à Paris, où elle est quasiment inconnue, dans un pays dont elle ne parle pas la langue, où elle devra tout réapprendre. Elle dira plus tard que la France fut le lieu d'un nouveau départ, libératoire, à un moment où elle cherchait à perdre ses repères pour repartir à zéro. C'est d'ailleurs en France, loin des siens, que le besoin de faire ses films autobiographiques a pu émerger. L'actrice effectue un stage chez Ariane Mnouchkine, dans la troupe du Théâtre du Soleil, l'occasion, selon ses propres mots, d'une "seconde naissance". Pourtant, l'obstacle de la langue et le manque de rôles disponibles la contraignent plus souvent à faire la vaisselle qu'à monter sur scène. Elle mène pendant quelques années une vie artistique parallèle. Traçant avec humilité son chemin d'actrice en France, au théâtre en particulier, elle continue à trouver des grands rôles au cinéma dans son pays d'origine.
Son retour en Israël au début des années 2000 coïncide avec l'émergence du nouveau cinéma israélien sur la scène internationale. Ronit Elkabetz devient l'un des visages emblématiques de ce cinéma engagé, social, politique et féministe, où dominent des femmes réalisatrices. La reconnaissance internationale arrive avec Mariage tardif de Dover Kosashvili (2000), dans lequel elle incarne une mère divorcée et amante passionnée. Le film brise un tabou sur la place des femmes en Israël et propose une nouvelle façon, directe, d'aborder la sexualité. L'actrice aime interpréter des personnages transgressifs, un travesti dans Origine contrôlée d'Ahmed et Zakia Bouchaâla (2000), ou la mère prostituée d'une adolescente dans Mon trésor de la réalisatrice Keren Yedaya (2003). Ronit Elkabetz contribue à faire du cinéma une sorte de conscience morale de la société israélienne. La comédienne choisit d'habiter à Jaffa, près de Tel- Aviv, où se côtoient les communautés juives et arabes, et joue dans des films politiquement engagés, comme Alila d'Amos Gitai (2002), ou La Visite de la fanfare d'Eran Kolirin (2006). Le succès international de ce dernier film lui ouvre les portes du cinéma français. Elle tourne avec André Téchiné dans La Fille du RER (2008) et incarne dans le premier long métrage réalisé par Fanny Ardant, Cendres et sang (2008), une mère émancipée du carcan familial traditionnel. Pour Pascal Elbé, elle est une mère turque farouche et déterminée dans Tête de turc en 2009, et la même année, l'amante passionnée d'un détenu dans Les Mains libres de Brigitte Sy.
Parallèlement à sa carrière d'actrice, Ronit Elkabetz a coécrit et coréalisé avec son frère Shlomi Elkabetz trois films inspirés de l'histoire de ses parents, trois versants d'un portrait sans concessions de la société israélienne. Revenant sur les archaïsmes de son milieu et de son éducation, elle y exprime avec une grande liberté toute la force de son cinéma, à la fois intime et universel. Le fil conducteur de ce triptyque est Viviane, une femme israélienne en quête d'émancipation, qu'elle interprète elle-même, un personnage directement inspirée de sa propre mère. Souvent tournée en plans-séquences, l'action, intense, est à chaque fois inscrite dans un temps limité. Ce sont d'abord les trois jours de préparatifs qui précèdent le shabbat dans Prendre femme (2003), premier volet de la trilogie, un projet mûri en France lors de son exil volontaire, dans lequel on assiste au délitement d'un couple en crise. Puis les sept jours traditionnels de deuil pour le deuxième volet, Les Sept jours (2007), huis-clos centré sur les secrets du clan familial et les relations de la fratrie. Et enfin cinq années pour le troisième volet, Gett, le procès de Viviane Amsalem (2013). Dans ce film qui dénonce le système patriarcal sur lequel est fondée la société israélienne, en théorie "laïque et démocratique", la cinéaste exprime sa vision politique personnelle et l'impossible séparation en Israël entre l'État et la religion.
Alors qu'elle travaillait à l'écriture du quatrième volet de l'histoire de Viviane et sur un projet de film sur Maria Callas, Ronit Elkabetz meurt à 51 ans, emportée par un cancer. Elle avait dit au cours d'un entretien "n'avoir jamais été attirée par les rôles de belle femme, mais par la difficulté, la saleté, ce qui gratte, ce qui saigne".
Passionnée de théâtre, Ronit Elkabetz a interprété Beckett et Shakespeare à Haïfa et Jérusalem. En France, elle a joué en particulier dans Ubu d'Alfred Jarry, mis en scène par Dan Jemmett à Nice, et a interprété le rôle de Pénélope dans Ulysse ou le retour d'Ithaque de Botho Strauss d'après Homère, dans une mise en scène de Jean-Louis Martinelli au Théâtre des Amandiers de Nanterre.
Elle était aussi très populaire en Israël pour sa participation à plusieurs séries télévisées, comme Franco & Spector d'Amalia Margolin (2003-2004) et Parashat Ha-Shavua (2006-2009). En France, elle a interprété le personnage de Nadia dans la série d'anticipation politique Trepalium produite par la chaîne Arte et diffusée en 2016.
Ronit Elkabetz a été Présidente du Jury de la Semaine de la Critique à Cannes en 2015.
2003 | Ve'Lakhta Lehe Isha Prendre femme | Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz |
2007 | Sept jours (Les) | Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz |
2013 | Gett, le procès de Viviane Amsalem | Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz |
1994 | Tzaleket | Haïm Bouzaglo |
2003 | Ve'Lakhta Lehe Isha Prendre femme | Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz |
2007 | Sept jours (Les) | Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz |
1989 | Hamevad Le Prédestiné | Daniel Wachsmann |
1994 | Sh'chur | Shmuel Hasfari |
1994 | Tzaleket | Haïm Bouzaglo |
1996 | Milim [Mots] | Amos Gitai |
2000 | Hatouna mehuheret Mariage tardif | Dover Kosashvili |
2000 | Origine contrôlée | Ahmed Bouchaâla, Zakia Bouchaâla |
2002 | Alila | Amos Gitai |
2003 | Mon trésor | Keren Yedaya |
2003 | Ve'Lakhta Lehe Isha Prendre femme | Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz |
2006 | Bikur hatizmoret La Visite de la fanfare | Eran Kolirin |
2007 | Sept jours (Les) | Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz |
2008 | Cendres et sang | Fanny Ardant |
2008 | Fille du RER (La) | André Téchiné |
2008 | Jaffa | Keren Yedaya |
2008 | Zion et son frère | Eran Merav |
2009 | Mains libres (Les) | Brigitte Sy |
2009 | Tête de turc | Pascal Elbé |
2011 | Roim alaich (Lo) Invisible | Michal Aviad |
2011 | Zarafa | Rémi Bezançon, Jean-Christophe Lie |
2013 | Gett, le procès de Viviane Amsalem | Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz |