Formation
René Goscinny grandit en Argentine où ses parents se sont installés en 1928 après avoir quitté Paris. De nationalité française, issu d'une famille juive ukraino-polonaise, le jeune René fera une brillante scolarité au Lycée Français de Buenos Aires. La famille garde un lien étroit avec la culture française et revient souvent à Paris. René gardera un souvenir ébloui de ces croisières transatlantiques. En Argentine, il découvre les films burlesques, les westerns, et les dessins animés alors dominés par les studios Disney. Bac en poche, doué pour le dessin, il débute une carrière dans la publicité mais après le décès brutal de son père, René et sa mère partent pour New-York en 1945. Ce sera une période difficile jusqu'à ce qu'il intègre le Studio d'un certain Harvey Kurtzman. C'est là que Goscinny réalise ses premiers livres pour enfants. Amis pour la vie, Goscinny et Kurtzman créeront, quelques années plus tard, les magazines qui vont, aux USA avec Mad, et en France, avec Pilote, révolutionner la bande dessinée et les comics.
Carrière au cinéma
René Goscinny, qui rêvait d'être le Walt Disney français, a joué un rôle capital dans l'émancipation, la légitimation et l'avènement de la bande dessinée, et a donné au cinéma populaire des héros mondialement connus.
En 1951, son retour en Europe marque le début d'une fulgurante carrière de scénariste (qu'il fera reconnaître comme métier à part entière). Avec Albert Uderzo et Jean-Michel Charlier, il fonde en 1959 le magazine Pilote, qui apporte un souffle radicalement nouveau à la bande dessinée. Brassant les styles les plus variés, la revue est le lieu fondateur de la presse satirique des années 1970 et de toute une génération de dessinateurs et scénaristes de BD. Il s'associe avec les plus grands dessinateurs de sa génération et forme avec eux des duos devenus légendaires.
Avec Uderzo, il crée la "saga" Astérix et Obélix, figures bientôt mythiques dont les aventures rencontrent rapidement un immense succès populaire et international. Astérix le Gaulois (1961), premier album d'une très longue série, surprend par son ton inédit : jeu sur les stéréotypes identitaires, goût pour les calembours et originalité de son cadre de référence historique, la Gaule romaine, période instituée au XIXème comme fondatrice de l'identité française. Ces oeuvres témoignent aussi d'un amour et d'une connaissance acérées de la langue française. Les 24 albums réalisés entre 1961 et 1977 donneront lieu à de nombreuses adaptations au cinéma dont 9 dessins animés. Le duo Goscinny-Uderzo écrira et réalisera 2 dessins animés des aventures d'Astérix, Astérix et Cléopâtre (1968) et Les Douze travaux d'Astérix (1976), issu d'un scénario original et produit par Les studios Idéfix, créés en 1974. Fidèles à l'esprit des BD, ils mettent en scène le couple de héros contrasté, dans un jeu de détournement de références qui évoque avant tout la France contemporaine. Quant aux 4 films tournés en prises de vues réelles, depuis Astérix et Obélix contre César de Claude Zidi (1998), fidèle à l'esprit des albums originaux, ils sont souvent marqués par la personnalité de leurs réalisateurs, comme Astérix et Obélix : mission Cléopâtre réalisé en 2001 par Alain Chabat.
Goscinny forme un autre duo célèbre avec le dessinateur Maurice de Bévère (alias Morris), créateur en 1946 du cow-boy Lucky Luke. Ils feront plus de 40 albums ensemble, puisant dans la mythologie du Far West pour une relecture iconoclaste et parodique. Morris est l'inventeur de Lucky Luke, mais Goscinny forge l'identité de la série en inventant le slogan "l'homme qui tire plus vite que son ombre", la chanson de fin sur fond de soleil couchant, ou les commentaires du cheval Jolly Jumper. Il créé de nouveaux personnages comme les cousins/frères Dalton et le chien Rantanplan. Si certains grands westerns sont des sources d'inspiration et de références, traitées au second degré, Stagecoach (John Ford, 1938) pour La Diligence, paru en 1974, les personnages de la série sont à l'origine de nombreuses adaptations au cinéma, en dessins animés ou en prises de vue réelles, en France et aux USA essentiellement. La télévision puisera elle aussi largement dans la série. Morris et Goscinny ont réalisé deux adaptations cinématographiques : Lucky Luke (1970), un long métrage en dessins animés, écrit avec Pierre Tchernia, et La Ballade des Dalton, sur un scénario original, produit en 1977 par les studios Idéfix. Décédé la même année, Goscinny n'en verra pas le montage final.
Avec le dessinateur Jean-Jacques Sempé, Goscinny donne libre cours à son goût pour l'écriture. Le Petit Nicolas (5 recueils édités entre 1960 et 1965, puis 3 volumes d'histoires inédites entre 2004 et 2009), est une oeuvre à part dans la carrière de Goscinny. Son originalité tient à la parole du héros, racontant sa vie quotidienne avec ses mots à lui. L'effet comique est fondé sur la perception qu'a l'enfant du monde des adultes. En 1964, l'oeuvre est adaptée au cinéma sous la forme d'un court métrage, Tous les enfants du monde, avec Bernadette Lafont et Michael Lonsdale. Laurent Tirard en fera deux adaptations, en 2009 et 2014.
Hormis les adaptations de ses BD, après des débuts comme gagman pour Bourvil, scénariste de séries policières interprétées par Jean Rochefort, co-scénariste de deux longs métrages inspirés de l'oeuvre d'Hergé au début des années 1960, Goscinny aborde le monde du cinéma grâce à l'amitié complice d'un autre pionnier, Pierre Tchernia. Leur collaboration débute en 1965 par la création d'une fiction télévisée, L'arroseur arrosé, hommage à l'invention des Frères Lumière à travers une série de sketches parodiant sa séquence comique fondatrice. Avec Deux romains en Gaule, diffusé en 1967, ils mettent en scène les tribulations de deux légionnaires Romains dans un retournement cocasse de la BD Astérix alors en pleine ascension. Les deux hommes ont une proximité professionnelle et personnelle très grande. Chacun participe aux scénarios de l'autre. Le Viager de Pierre Tchernia (1971), sur une idée originale de Goscinny, avec Michel Serrault, remporte un succès populaire extraordinaire.
Décédé inopinément, à 51 ans, au cours d'un test d'effort cardiaque, René Goscinny accède à une véritable vie audiovisuelle posthume. Toutes ses principales oeuvres ont trouvé un débouché sur les écrans, inspiré des jeux vidéo ou des séries d'animation télévisées. Mais c'est avec la création d'Astérix, figure mythique du héros gaulois, éminemment populaire, que cet enfant de l'immigration a pris une place unique dans la mémoire collective universelle.
Autres activités
La mémoire et la présence posthume de René Goscinny reste très forte. Après son décès, Albert Uderzo, avec le soutien de Gilberte Goscinny, fonde en 1980 Les Éditions Albert-René pour continuer leur oeuvre commune. Une dizaine d'albums réalisés entièrement par Uderzo paraissent entre 1980 et 2002, sous leur double signature.
Anne Goscinny, la fille unique de René et Gilberte Goscinny, née en 1968, a créé avec son mari, Aymar du Chatenet, journaliste, une maison d'édition, Imav (l'association des mots hébreux mère, (ima) et père, (av), qui désormais publie toutes les aventures du Petit Nicolas et les nouvelles aventures d'Iznogoud. En 2016, elle crée l'Institut René Goscinny, destiné notamment à préserver les archives de son père et à encourager de jeunes scénaristes.
La profession cinématographique reconnaitra Goscinny comme l'un des siens, et lui décernera à titre posthume un César pour l'ensemble de son oeuvre. Il est aujourd'hui l'un des auteurs français dont l'oeuvre est la plus souvent adaptée eu cinéma avec en moyenne, depuis sa disparition, un film tous les deux ans.
Prix
- César d'honneur, 1978 au Césars du Cinéma Français