Formation
Graphiste de formation, Pierre Étaix s'initie à l'art du vitrail auprès du maître-verrier belge Théo Hanssen, pour lequel il travaille un temps en Italie. Puis il s'établit à Paris, où il gagne sa vie comme illustrateur de revues. Parallèlement, il débute au music-hall avec des numéros comiques où il met en place son style, puis au cirque avec le clown Nino. Sa rencontre avec Jacques Tati est déterminante : Pierre Étaix devient gagman, puis, en 1957, assistant-réalisateur sur le film Mon oncle, dont il dessine l'affiche. À travers ses dessins et ses accessoires, il apporte au cinéaste sa touche très personnelle. À cette occasion, Pierre Étaix fait également une rencontre cruciale, celle du scénariste et adaptateur Jean-Claude Carrière, avec lequel il va signer ses premiers courts métrages, Rupture en 1960, puis l'année suivante Heureux anniversaire, qui remporte l'Oscar du meilleur court métrage en 1963.
Carrière au cinéma
Clown, cinéaste, dessinateur, gagman, acteur, musicien, metteur en scène, décorateur de théâtre, poète, héritier revendiqué des grands maîtres du slapstick américain, Pierre Étaix est un artiste à la palette très étendue.
Enthousiasmé par les possibilités créatives de l'art cinématographique, Pierre Étaix réalise en 1962 son premier long métrage, Le Soupirant, sur un scénario de son complice Jean-Claude Carrière. Hommage au burlesque américain, ce film d'une grande finesse d'observation sur les désillusions d'un jeune homme inadapté à la vie moderne le révèle comme un auteur comique de tout premier plan. Le public et la critique plébiscitent le jeune cinéaste dont le style s'affirme, tout en élégance et poésie. Yoyo, tourné en 1964 et co-écrit avec Jean-Claude Carrière, est considéré comme son chef-d'oeuvre. Mélangeant subtilement le rire et l'émotion, le film est une satire poétique et souriante de notre absurde fureur de vivre. L'histoire de ce petit clown qui, devenu célèbre, choisit de répondre à l'appel du cirque et de la liberté, est aussi un vibrant hommage au monde qui fascine tant le cinéaste depuis son enfance. Avec ce film, Pierre Étaix a voulu retrouver le style et l'atmosphère du cinéma muet et donner un "coup de chapeau" à ses grands inspirateurs Charlie Chaplin, Buster Keaton ou Max Linder.
S'écartant un peu de cet humour "cérébral" et distingué, ses films suivants ont une tournure plus satirique. Tant qu'on a la santé (1965), son troisième long métrage, est un film en quatre tableaux qui met en scène un jeune homme sérieux et plein de bonne volonté, joué par Pierre Étaix lui-même, mal à l'aise dans ce XXe siècle menacé par un modernisme absurde, un personnage un peu dans la veine du Monsieur Hulot de Jacques Tati. Reposant sur une écriture très précise du scénario et un réglage des scènes au millimètre, parsemé de gags ingénieux, le film foisonne d'inventions comiques et de variations burlesques sur les objets et la vie quotidienne moderne.
Dans Le Grand amour (1968), où sa femme Annie Fratellini et lui-même tiennent les rôles principaux, Pierre Étaix incarne un éternel jeune homme en décalage avec le monde, qui s'affranchit des contraintes de la réalité par le rêve. Cette critique du mariage et de la bourgeoisie de province, qui comporte des scènes délicieusement surréalistes, sera finalement considérée comme bien sage pour un film tourné juste après le tourbillon de Mai 68. Avec Pays de cocagne (1970), tourné en 16 mm, Pierre Étaix part filmer les Français en vacances au lendemain de Mai 68. Il les interviewe sur des sujets d'actualité (l'érotisme, la publicité, le mariage...), les filme, capte des éléments pris sur le vif et crée un film "documentaire" dont la construction burlesque en fait un objet insolite et quasi-expérimental.
Mais au début des années 1970, le cinéma artisanal tel que le conçoit Pierre Étaix rencontre de moins en moins d'échos, de la part du public et surtout des producteurs qui considèrent le cinéaste de plus en plus anachronique. Celui-ci entame alors une longue traversée du désert cinématographique. Il va disparaitre des écrans pendant dix-sept ans, se consacrant surtout à la promotion des arts du cirque. L'année 1987 marque son retour au cinéma, avec l'adaptation pour le cinéma et la télévision de sa première pièce de théâtre, jouée avec succès à la Comédie des Champs-Elysées pendant la saison 1985-1986 : L'Âge de monsieur est avancé, un film sur le théâtre et les comédiens, écrit en hommage à Sacha Guitry, où il tient le rôle principal, entouré de Jean Carmet et Nicole Calfan. En 1988, Pierre Étaix tourne un court métrage en images de synthèse, Le Cauchemar de Méliès, une commande de la Sept (Société d'édition de programmes de télévision, devenue Arte en 2000) pour une soirée thématique consacrée au grand cinéaste du muet. Dans le cadre des célébrations du bicentenaire de la Révolution française, le cinéaste réalise en 1989 le premier film de fiction tourné en procédé Omnimax, J'écris dans l'espace, pour la Géode de la Villette, dont il écrit le scénario avec Jean-Claude Carrière. Interprété par des élèves de l'École nationale du cirque, le film raconte l'histoire de l'invention du télégraphe par les frères Chappe. L'intérêt de Pierre Étaix pour un procédé jusque-là réservé aux documentaires animaliers ou paysagers est un nouveau témoignage de sa curiosité pour toute nouvelle forme d'expression visuelle. Dans les années 1990, Pierre Étaix se retrouve au centre d'un imbroglio juridique. Les cinq films co-écrits avec Jean-Claude Carrière (Le Soupirant, Yoyo, Tant qu'on a la santé, Le Grand amour et Pays de cocagne), font en effet l'objet d'un litige, privant le cinéaste de ses droits et empêchant leur exploitation. En juin 2009, après vingt ans de procédures, Pierre Étaix retrouve finalement les droits sur ses films et les voit ressortir en salles en version restaurée.
Primée à de nombreuses reprises, son oeuvre reste relativement méconnue. Son ami très proche Jerry Lewis a dit à son propos : "Deux fois dans ma vie j'ai compris ce qu'était le génie : la première fois, en regardant la définition dans le dictionnaire, et la seconde fois, en rencontrant Pierre Étaix".
Autres activités
Artiste éclectique aux multiples talents, Pierre Etaix Pierre est l'auteur d'une oeuvre graphique très importante, comme affichiste et illustrateur.
Il joue un rôle de premier plan dans la reconnaissance des arts du cirque. Lorsqu'il est éloigné du cinéma, du début des années 1970 au milieu des années 1980, il se consacre essentiellement au cirque. A partir de 1967, il participe régulièrement aux tournées des cirques Pinder et Bouglione. Pour lutter contre la désaffection des arts de la piste, Pierre Étaix fonde en 1974, avec sa femme Annie Fratellini, L'École nationale du Cirque, qui a largement contribué au renouveau de cette discipline artistique. Avec son épouse, il se produit en clown blanc dans les tournées de son propre cirque, et monte en 1972 À quoi on joue ? , à Paris (Théâtre Hébertot).
Pierre Etaix met en scène plusieurs pièces de théâtre et joue dans une quinzaine de films, les siens et ceux d'autres réalisateurs, comme celui de Federico Fellini, Les Clowns (1970). En 2010, il interprète le rôle du docteur Becker dans le film d'Aki Kaurismäki Le Havre.
Prix
- Premio Jean Mitry, 2012 au Giornate del Cinema Muto (Pordenone)