Formation
Bertrand Tavernier interrompt rapidement ses études de droit pour se consacrer à sa passion du cinéma. A la fin des années cinquante, il s'installe à Paris, fréquente la Cinémathèque de la rue d'Ulm. Au début des années soixante, il fonde avec Bernard Martinand et le poète Yves Martin un ciné-club Le Nickel-Odéon qui célèbre la série B américaine, et dont les présidents d'honneurs sont les réalisateurs américains Delmer Daves et King Vidor. Durant cette période, Bertrand Tavernier publie des textes dans de nombreuses revues spécialisées, comme Radio-Cinéma (qui deviendra plus tard Télérama), Les Lettres Françaises, Cinéma, Présence du cinéma, L'Etrave, (un journal étudiant), et, fait insolite à l'époque, à la fois dans Positif et Les Cahiers du cinéma. Il fait ses débuts dans le cinéma comme assistant de Jean-Pierre Melville sur Léon Morin prêtre (1961).
Carrière au cinéma
De 1961 à 1964, Bertrand Tavernier devient l'attaché de presse de Georges de Beauregard, ce qui lui permet de réaliser deux sketches pour Les Baisers en 1963 et pour La Chance et l'amour en 1964. Dix années passent pendant lesquelles il se distingue en écrivant des scénarios pour les cinéastes Riccardo Freda et Jean Leduc.
Avec son premier long-métrage, L'Horloger de Saint-Paul (1973), il s'affirme d'emblée comme un réalisateur de talent, inspiré par l'efficacité du cinéma américain. Mais il est également un cinéaste engagé et sensible, qui bâtit une oeuvre cohérente sur le plan philosophique. Ses deux films suivants sont, comme le premier, des réflexions critiques et politiques sur la société et les moeurs, mais ils sont en outre de brillantes reconstitutions historiques (Que la fête commence, 1974), Le Juge et l'assassin, 1975). Ses préoccupations sociales sont une constante de son oeuvre comme en témoignent Des enfants gâtés (1977) et Ça commence aujourd'hui (1998), deux regards lucides sur la France contemporaine non dénués de poésie.
Bertrand Tavernier se montre capable d'aborder les genres les plus divers, allant de la science-fiction (La Mort en direct, 1979, intelligente réflexion sur l'image et le voyeurisme) aux films de guerre (La Vie et rien d'autre, 1988 ; Capitaine Conan, 1995), de la fresque médiévale (La Passion Béatrice, 1987) à l'adaptation du roman noir (Coup de torchon, 1981). Il fait toujours montre d'un regard lucide et critique, mais aussi d'un sens de l'émotion qui lui est propre, comme dans les films d'inspiration plus personnelle que sont Autour de minuit (1985) ou Daddy nostalgie (1989).
Il participe, en 1991, au film collectif Ecrire contre l'oubli, commandité par Amnesty International, anthologie de courts métrages destinés à rappeler que des hommes et des femmes, partout dans le monde, sont emprisonnés pour leurs idées. Alors qu'on lui reproche parfois la pesanteur de son style, que l'on dit trop démonstratif, il livre avec L'Appât (1994) son film le plus achevé. Sa description d'un authentique fait divers criminel est un modèle d'économie et de précision. Bertrand Tavernier s'inscrit dans la tradition du réalisme français, en y puisant une grande clarté d'expression qui lui permet presque toujours de trouver un large public.
Avec Laissez-passer (2000), le réalisateur rend hommage au cinéma français des années quarante qui, malgré l'Occupation et le contrôle allemand sur les maisons de production, a su conserver sa dignité grâce au courage de quelques professionnels du milieu. Les réalisations de Bertrand Tavernier sont font ensuite plus rares : en 2003 il tourne Holy Lola (2003), co-écrit par sa fille Tiffany, qui, entre documentaire et fiction, retrace l'émouvant et difficile parcours d'un couple français arpentant les routes du Cambodge pour tenter d'adopter un enfant. Cette quête aux embuches innombrables soulève le problème de la difficulté des adoptions et dresse un portrait très psychologique d'un couple d'aujourd'hui.
Il faut ensuite attendre 2009 pour voir Dans la brume électrique (2007), adaptation du roman policier de James Lee Burke ; avec cette première expérience américaine, remarquablement saluée par la critique, Tavernier nous plonge dans une Louisiane fantomatique baignée d'une lumière crépusculaire. Un inspecteur y enquête sur des meurtres atroces, tandis que resurgit une guerre de Sécession omniprésente. La Princesse de Montpensier (2009), avec Mélanie Thierry et Lambert Wilson, adaptation moderne d'une nouvelle de Madame de la Fayette, publiée en 1662 sous un pseudonyme, est un un film sur la violence des tourments intimes. Adapté de la bande dessinée du même nom de Christophe Blain et Abel Lanzac, Quai d'Orsay (2012) est une savoureuse comédie sur les coulisses du Ministère des Affaires Étrangères. Dans son dernier film, le documentaire Voyage à travers le cinéma français (2015), Tavernier revient sur sa vie à travers une compilation de 94 films qu'il commente. En 2017, il poursuit sa plongée dans le cinéma français des années 1930 à 1970 avec une série en huit épisodes pour Arte Voyage à travers le cinéma français.
Autres activités
Bertrand Tavernier est le président de l'Institut Louis-Lumière de Lyon, vice-président de l'Association Premier Siècle et membre de l'ARP. Il travaille également pour la télévision. Il a rédigé deux bibles pour les cinéphiles, avec J.-P. Coursodon, Trente ans de cinéma américain (1970) puis Cinquante ans de cinéma américain (1995).
Il publie seul : Amis américains : entretiens avec les grands auteurs d'Hollywood (2008), et et un recueil de souvenirs Le cinéma dans le sang (2011).
Il dirige chez Actes Sud, la collection L’Ouest, le vrai, qui exhume les grands classiques de la littérature western.
Il a été président de la SRF et vice-président de la SCAD.
En 1976, Bertrand Tavernier décide de créer sa propre société de production Little Bear, qui coproduit tous ses films depuis Des enfants gâtés.
Bertrand Tavernier se tourne vers le documentaire. D'abord, pour la télévision, il réalise Philippe Soupault et le surréalisme (1982), série d'émissions d'une durée totale de trois heures, Mississippi blues (1983), co-réalisé avec Robert Parrish, dont la version longue en quatre épisodes s'intitule Pays d'octobre, qui oscille entre plusieurs thèmes : la religion, le blues, l'accession des Noirs aux campagnes politiques. Lyon, le regard intérieur (1988), documentaire pour la télévision dans la série Chroniques de France, sur sa ville natale.
Prix
- Prix pour l'ensemble de la carrière, 2001 au Festival International du Film (Istanbul)
- Meilleur réalisateur, 1997 au Césars du Cinéma Français pour le film : Capitaine Conan
- Meilleur réalisateur, 1987 au SNGCI - Sindacato Nazionale Giornalisti Cinematografici Italiani pour le film : Autour de minuit
- Meilleur réalisateur, 1987 au SNGCI - Sindacato Nazionale Giornalisti Cinematografici Italiani pour le film : Autour de minuit
- Meilleur réalisateur, 1985 au Boston Society of Film Critics Awards pour le film : Un dimanche à la campagne
- Meilleur réalisateur, 1985 au Boston Society of Film Critics Awards pour le film : Un dimanche à la campagne
- Meilleur scénario, 1985 au Césars du Cinéma Français pour le film : Un dimanche à la campagne
- Prix de la mise en scène, 1984 au Festival International du Film (Cannes) pour le film : Un dimanche à la campagne
- Meilleur scénario, 1977 au Césars du Cinéma Français pour le film : Le juge et l'assassin
- Meilleur réalisateur, 1976 au Césars du Cinéma Français pour le film : Que la fête commence...